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Roman - Policier

Obia

Ethnologique - Guerre - Drogue - Gang MAJ mercredi 07 octobre 2015

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 23 €

Colin Niel
Rodez : Le Rouergue, octobre 2015
496 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-8126-0945-9
Coll. "Noir"

L'Amazone, boueux et glorieux

Pour les Métropolitains que nous sommes, la Guyane évoque un exotisme proche, des souvenirs de puissance (Kourou) ou de gène (Cayenne), et nous pensons naïvement qu'il y a là une sorte de France un peu plus épicée, plus soumise aux aléas climatiques, mais très proche de ce que nous vivons dans les provinces françaises. D'ailleurs, le nouveau roman de Colin Niel s'installe dans ce qui pourrait être notre vie quotidienne : un policier qui traque la vérité et espère ainsi en savoir plus sur son propre passé familial, un autre qui ressemble à ces flics têtus et plus soucieux de coincer les coupables que de rechercher à respecter la légalité, un troisième qui a dû quitter les forces de police et travaille comme privé. Et puis tout commence dans un bon roman noir avec Vacaresse, engagée par une femme pour savoir si son fiancé est aussi net qu'il le prétend. A priori, il s'agit d'une mission sans risque. Pendant ce temps, le capitaine Anato et son adjoint Marcy enquêtent sur un mort au visage complètement écrasé, et si le suspect est rapidement identifié, ce dernier lié aux trafiquants de drogue parvient à fuir.
Cette double intrigue qui évidemment n'en fera qu'une à un moment donné est l'occasion de nous plonger dans l'envers du décor du rêve colonial ou post-colonial. Que reste-t-il de nos envies républicaines de répandre le Bien depuis le XIXe siècle ? Pas grand-chose pourrait répondre Colin Niel qui décrit avec soin la Guyane d'aujourd'hui avec ses bidonvilles où tentent de survivre les gens, les bords d'un fleuve qui charrie plus souvent des corps que des marchandises. Ce même fleuve sert de frontière avec le Suriname, ce qui permet d'envisager tous les trafics possibles avec un pays voisin qui oscille entre chaos et corruption. Est-ce mieux du côté français ? Pas sûr, semble répondre l'auteur qui décrit la trajectoire d'un politicien local dont le passé est on ne peut plus trouble.
Colin Niel, outre cette description sombre mais sans doute réaliste de l'envers du décor de nos départements ultra-marins, devient aussi un historien. Il raconte un épisode de l'histoire locale, qui n'a pas une quarantaine d'années, mais qui est resté quasi inconnu des Métropolitains. Le Suriname a vécu une décolonisation sauvage, avec les mêmes remous que ceux connus en Afrique : guérilla campagnarde, militaires au pouvoir, utilisation de la drogue pour financer les parties en présence, massacres de civils. Cette guerre a généré des réfugiés qui ont fui en Guyane et ont posé bien des problèmes, des problèmes qui ressemblent, toute progression gardée, à la crise que nous vivons actuellement. Une guerre dont les répercussions se font encore ressentir aujourd'hui - armes cachées, vengeances larvées, hommes corrompus qui se maintiennent au pouvoir.
Cette façon de mélanger grande histoire et itinéraires personnels, et de soigner les personnages pour les rendre vivants (Anato est coincé entre son besoin de faire respecter la loi et la nécessité pour lui de comprendre son passé, y compris en acceptant les traditions magiques de sa tribu ; une femme traumatisée par la guerre oscille entre passé et présent, confondant gens et époques, au risque de troubler l'enquête ; petites mules chargées de passer la drogue et qui sont coincées entre les mains des dealers, Vacaresse qui doit en même temps travailler et s'occuper de son fils emprisonné) concourt à faire de ce roman, une fresque intelligente et sensible, digne de rivaliser avec les grands auteurs du genre.

Citation

Sur la berge, les pirogues se bousculaient, bariolées de peintures géométriques. La plupart se contentaient de faire l'aller-retour entre les deux rives du Maroni. Entre Saint-Laurent et Albina, la ville d'en face, porte d'entrée du Suriname. Fruits, légumes, essence, cigarettes, stupéfiants, les marchandises s'échangeaient à longueur de journée. Seules celles qui voulaient bien passer par la douane étaient déclarées.

Rédacteur: Laurent Greusard vendredi 11 septembre 2015
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