Retex

Ses missions au conseil d'État agissaient sur lui comme une drogue dure. À chaque dossier, il peaufinait à l'extrême ses conclusions, affûtait ses exposés comme un ébéniste amoureux d'une cathédrale, et tendait ses forces au moyen de points de droits utiles, illustrant ainsi la raison pour laquelle un magistrat en dernier ressort arbitre selon une procédure irrégulière ou une application erronée des textes.
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Roman - Espionnage

Retex

Énigme - Guerre - Apocalyptique MAJ jeudi 14 décembre 2017

Note accordée au livre: 3 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 21,9 €

Vincent Crouzet
Paris : Le Passeur, octobre 2017
572 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-36890-564-7
Coll. "Rives noires"

SAC d'embrouilles

En Afghanistan, l'agent du SAC Laure de Beaugency a connu les pires horreurs et n'a pu faire ce rapport que l'on dénomme Retex (retour d'expérience). Son chef de service, le colonel Montserrat, ne peut se résoudre à s'en séparer et l'envoie s'occuper de la sécurité de la station d'écoute de la DGSE sur le plateau d'Albion — censé être un haut lieu d'observations d'ovnis. Mais sous la neige qui paralyse le plateau, d'autres dangers rôdent. Il y a cette louve fantomatique appelée Oriane qui semble insaisissable. Il y a également l'ombre de six jeunes filles disparues au fil des années. Ont-elles été victimes d'une secte apocalyptique qui s'est installée non loin de là ? D'un tueur en série ? Il y a aussi Adèle la tueuse borgne et froide qui peut cacher bien des secrets. Enfin, l'ombre des spetnazs russes plane sur le plateau... Mais le colonel Montserrat a autre chose à penser : suite à la découverte d'un agent infiltré en Iran, les tensions montent, et elles pourraient bien déboucher sur l'apocalypse nucléaire...
On connaît désormais la patte de Vincent Crouzet depuis l'intéressant Villa Nirvana (mais aussi Radioactif, son chef d'œuvre à ce jour) qui lui assure une place à part dans le genre : un mélange d'action pure, à travers son personnage (alter-ego ?) le colonel Montsarrat, à la fois dévoué et sans illusions sur son métier. L'auteur que l'on dit parfois "trop journaliste pour les romanciers, trop romancier pour les journalistes" n'a cessé d'affûter son style, sec, travaillé (trop pour certains)... mais aussi avec un certain flou artistique sur la narration qui ne cherche pas la linéarité. Ce qui n'est pas gênant dans le genre espionnage, ce style participant à créer le vertige propre au genre et induisant même une certaine poésie. Mais ce pavé n'est pas un pensum : il se passe un maximum de choses dans ce roman touffu de plus de cinq cents pages aux enjeux forts (empêcher une guerre nucléaire, tout de même !) où le titre prend peu à peu tout son sens métaphorique. Autant dire que le résultat mérite largement que l'on s'accroche, même si on aimerait parfois un brin de clarté et quelques descriptions pour ancrer le récit dans la réalité (mais peut-être que cela briserait cette sensation d'onirisme, marque de fabrique de l'auteur ?). Une exigence artistique qui fait que l'œuvre de Vincent Crouzet est un goût acquis, et qui malheureusement, lui ferme l'accès aux têtes de gondoles, où opèrent des auteurs moins talentueux mais plus accessibles...

Citation

Au service action, la règle veut que l'on ne tue qu'une fois. Nous ne voulons pas d'assassins professionnels dans nos rangs. Nous ne voulons pas que quiconque y prenne goût.

Rédacteur: Thomas Bauduret jeudi 14 décembre 2017
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