Le Mal des ardents

Le bouffeur de macaroni ouvrit son étui à violon et avec les gestes d'un magicien en sortit une Joséphine flambant neuve. Un glaçon me glissa dans le dos avant de plonger dans ma raie du cul.
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Roman - Policier

Le Mal des ardents

Médical - Drogue MAJ lundi 20 septembre 2010

Note accordée au livre: 2 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 14,5 €

Francis Zamponi
Paris : Biro, juin 2010
104 p. ; illustrations en noir & blanc ; 20 x 16 cm
ISBN 978-2-35119-077-7
Coll. "Les Sentiers du crime", 3

L'Affaire du pain maudit de Pont-Saint-Esprit

Étonnante collection que "Les Sentiers du crime" chez Adam Biro, un éditeur plutôt habitué aux livres d'art. Elle raconte en effet, d'une manière mi-romanesque, mi-documentaire, de grands faits divers sous la plume de romanciers, journalistes ou avocats et devrait finir, dans un avenir proche, dans les bacs des soldeurs, nous verrons pourquoi. Ce sont des opuscules au format intéressant, au beau papier et à l'iconographie assez riche. Les couvertures, jouant sur le collage et les couleurs flashy attirent l'attention quand les livres sont en facing dans les librairies.

Le Mal des ardents, de Francis Zamponi a retenu notre attention
Il concerne une affaire longtemps occultée de l'histoire criminelle française : l'Affaire du Pain maudit de Pont-Saint-Esprit. Elle s'est déroulée en 1951, et ses suites judiciaires se sont (poussivement) déroulées jusqu'en 1975 ! Jusqu'à présent, elle n'avait suscité aucun livre sur notre territoire. Francis Zamponi, dans une très complète et très courte bibliographie, nous apprend que, dès 1968, un journaliste américain, John G. Fuller, a publié The Day of St. Anthony's Fire suite à un séjour-enquête, en 1967, dans cette ville du Gard. Le livre n'a pas été traduit en français contrairement à la bible que Stephen L. Kaplan, un autre américain, consacra à l'analyse de la meunerie et de la boulangerie hexagonales sur la période de l'après-guerre. L'Affaire de Pont-Saint-Esprit sert de point de départ à sa thèse de 1138 pages, traduite chez Fayard en 2008 sous le titre Le Pain Maudit. Retour sur la France des années oubliées. 1945-1958.
Enfin, en 2009, un téléfilm très romancé intitulé Le Pain du Diable fut tourné par Bertrand Arthuys tandis, qu'aux États-Unis, un journaliste d'investigation, Hank P. Albarelli, sous le titre A Terrible Mistake, The Murder of Frank Olson and the CIA's Secret Cold War publiait le résultat d'une enquête étonnante sur le suicide d'un biochimiste de la CIA, révélant entre autres, l'implication de l'agence dans une série d'expérimentations secrètes sur le LSD qui aurait concerné Pont-Saint-Esprit !

Mais que s'est-il donc passé ?
À partir du 17 août 1951, une centaine d'habitants de Pont-Saint-Esprit est touchée par une intoxication alimentaire qui va culminer pendant la nuit du 24 août, dite "Nuit de l'apocalypse", où une cinquantaine d'habitants vont devenir fous. Les rues de la ville sont livrées à des sortes de zombies qui errent en proférant des inepties et en moulinant des bras. Victimes de visions horribles ou enchanteresses, certains se jettent des fenêtres. L'hôpital de la ville, tenu par des sœurs et qui sert aussi d'hospice est vite débordé ainsi que les trois médecins de la ville. Il faut un stock de camisoles de force et des ambulances pour transporter les délirants dans les asiles psychiatriques de la région. Jeunes et vieux, femmes, hommes, enfants et adolescents sont touchés par un mal étrange qui ne va pas manquer de sidérer les scientifiques. Sans compter de nombreux animaux, pris eux aussi de folie, cinq personnes décèderont et plus d'une centaine seront touchées à des degrés divers, du simple trip passager non mentionné, à la paralysie des membres. Des scientifiques vont finalement penser à l'ergotisme, une maladie du seigle, due à des ergots hallucinogènes se développant sur les grains et responsables du fameux "Feu de Saint-Antoine" appelé aussi "Mal des Ardents", maladie médiévale dont Jérôme Bosch, notamment, peignit des scènes de cauchemars.

Le juge chargé de l'enquête part en vacances
Il confie l'enquête au commissaire Sigaud de la police judiciaire de Montpellier. Celui-ci va remonter la piste jusqu'à l'un des six boulangers de Pont-Saint-Esprit, le beau Roch Briand, dont le pain a été acheté et mangé par toutes les victimes. Mais le boulanger se défausse sur le livreur de farine, dans la ville voisine de Bagnols-sur-Cèze, qui explique qu'il n'est qu'un répartiteur de l'Office National Interprofessionnel des Céréales (ONIC), un organisme mis en place par l'État à la Libération pour distribuer équitablement la farine entre les régions favorisées et défavorisées. Le commissaire remonte la filière et retrouve le minotier Maillet dont le moulin est situé à Saint-Martin-la-Rivière dans la Vienne. Celui-ci, pressé de questions, finit par avouer que le boulanger de son village, Guy Bruère, lui fait écraser, en douce, les grains que lui paient des paysans en échange de son pain. On sait bien que les paysans âpres au gain raclent leurs greniers jusqu'entre les planches pourries. Le grain de blé mélangé à du seigle ergoté aurait contaminé la production partie ainsi au hasard frapper une petite ville du Gard de quatre mille habitants. Le commissaire jubile, en une semaine il a bouclé son enquête. Maillet et Buère sont incarcérés.

Mais, un mois plus tard, ils seront libérés faute de preuves
Il faut dire que l'ONIC n'est pas restée inactive. Soucieuse de ne pas se faire accuser d'empoisonner le pain des Français, elle va multiplier les analyses notamment auprès des militaires qui ne vont trouver aucun résidu d'ergot de seigle dans les farines incriminées. De là à supposer que l'État fasse barrage à la vérité... De mystérieux scientifiques suisses s'intéressent alors à l'affaire. L'un d'eux vient de découvrir le LSD qui deviendra célèbre bien des années plus tard avec le mouvement hippy, et il travaillerait pour les américains... Voilà un pont rêvé avec les révélations du journaliste américain cité plus haut : aux belles heures de la Guerre froide, la CIA aurait choisi les habitants de Pont-Saint-Esprit comme cobayes à un test grandeur nature !? "Comment déstabiliser une population ennemie en lui pulvérisant du LSD ?" Cette rumeur folle aurait donc une base solide ? On se pince. Bientôt l'hypothèse de l'ergotisme est mise de côté au profit d'une contamination dans un wagon avec un produit agricole suédois, le Panogen. Est-ce plus raisonnable ? On le pense.

Francis Zamponi a toutes les infos en main
Malheureusement, en raison d'une bête consigne éditoriale qui ne va pas jouer pour la série, il sabote l'histoire en prenant un héros-narrateur falot puisqu'adolescent et n'habitant pas les lieux. De fait, qualifié de "roman", Le Mal des ardents apparaît comme un produit hybride, pas assez romancé ou pas assez documenté. Une sorte de synopsis mal foutu. Dommage. Il aurait fallu choisir car il contient, en germe(s), tous les ingrédients d'une formidable histoire qui mériterait d'être plus développée.

Citation

Sous les regards inquiets de leurs proches qui tentent en vain de les ramener à la maison et de les mettre au lit, des dizaines de Spiripontains marchent inlassablement en affichant un sourire béat.

Rédacteur: Michel Amelin lundi 20 septembre 2010
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