Au risque de se perdre

Je me suis trompée. Ce n'est ni la gardienne ni M. Faraz. C'est un type qui s'éloigne. Il porte un treillis de camouflage urbain et, bien qu'il soit de dos, je peux voir qu'il tient un fusil de gros calibre.
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Roman - Thriller

Au risque de se perdre

Psychologique - Social MAJ jeudi 29 janvier 2009

Note accordée au livre: 5 sur 5

Poche
Réédition

Public averti

Prix: 9,5 €

Cathi Unsworth
The Not Knowing - 2008
Préface de David Peace
Traduit de l'anglais par Karine Lalechère
Paris : Rivages, avril 2008
366 p. ; 17 x 11 cm
ISBN 9782743618254
Coll. "Noir", 691

Actualités

Chronique

Cathi Unsworth a fait son entrée sur la scène littéraire précédée d'une sérieuse réputation : son premier roman Au risque de se perdre est préfacé par David Peace et elle s'est d'emblée vue désignée comme la digne héritière de Robin Cook. Sans tomber dans la question fumeuse de savoir si l'affiliation est, ou non, justifiée, il convient de s'attacher à son roman en lui-même.
On se prend dès l'entame à plonger la tête la première dans ce roman, soutenu par la structure classique du whodunit. Ce soir-là, à Londres, "la lune est dans le caniveau", nous sommes à Camden Town, haut lieu de la culture underground, l'antre des rockers, des punks, des gothiques et des marginaux de tous poils. Le cadre parfait pour un meurtre qui sera révélé dès le lendemain matin par tous les journaux de la capitale : Jon Jackson, jeune cinéaste underground idolâtré a été assassiné sous les sombres arcades de Camden, la mise en scène du meurtre semblant tout droit tirée de son dernier film, qui a créé dans son sillage des milliers de fans hystériques. Un meurtre immédiat, sauvage, qui va toucher chacun des personnages à un endroit ou à un autre.
L'intrigue se construit de manière efficace autour de deux cercles parallèles. Celui du Lux, tout d'abord, un jeune magazine d'avant-garde culturelle, "bible de la culture alternative". Les deux journalistes Diana Kemp, en partie narratrice, silhouette de "Betty Page gothique", et son acolyte Barry Hudson aux faux airs d'"Evil Elvis tatoué" travaillent pour Neil Bambridge, entrepreneur arrogant et arriviste qui ne recule jamais devant une bonne combine pour décrocher un scoop. Cathi Unsworth, ancienne critique musicale, parvient à donner vie à un univers crédible, celui d'un magazine animé par des passionnés, des personnages hauts en couleurs et bien campés.
Aux antipodes de ces jeunes londoniens qui fréquentent les derniers endroits branchés et rencontrent ceux qui font la littérature, le cinéma et la musique de qualité d'aujourd'hui, on a l'univers pour le moins glauque et sordide du meurtrier, aux multiples visages, dont nous ne donnerons pas le(s) nom(s) ici, bien que la force du roman ne réside absolument pas dans la découverte de son identité. La plongée dans l'esprit tantôt passionné, tantôt pervers, tantôt malade, tantôt humain, mais toujours dérangeant se fait par crescendo ; le lecteur découvre avec effarement puis horreur les prémisses de l'irréparable, la genèse d'un adulte perverti par une histoire turpide, la certaine moralité dans le geste accompli. Mais jamais l'auteur ne joue la carte d'une psychologie à deux sous ou d'une psychanalyse rédemptrice.
Bien évidemment, les deux mondes vont se rencontrer, la culture comme trait d'union et l'engrenage infernal comme moteur des péripéties du roman. La connaissance et la maîtrise de l'auteur des rouages de la presse culturelle et des ruelles de Camden Town sont indéniablement des ingrédients clefs qui font toute la particularité du roman. Le style est fluide, sans fioriture, d'une lecture aisée. Voici un petit bijou noir que l'on imagine aisément adapté au cinéma, qui s'adresse aux fans de littérature rock, aux fans de Camden, aux fans de noirceur. Aux fans des marges.

Nominations :
Prix des lecteurs Ancres noires 2013

Citation

Toute la clameur des asiles d'aliénés semblait s'être condensée pour produire cette minute de démence pure.

Rédacteur: Estelle Durand lundi 19 janvier 2009
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