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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit du japonais par Sophie Rèfle
Arles : Actes Sud, novembre 2011
316 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-330-00139-1
Coll. "Actes Noirs"
Le dernier problème
Yasuko mère divorcée élève seule sa fille. Son ex-mari refait surface alors la mère et la fille le tuent. Le voisin, Ishigami leur vient en aide. Il sait tout. Il est quelque peu amoureux de sa voisine. Surtout, il est mathématicien.
Kusinagi est l'inspecteur qui va enquêter. Il a un ami, Yukawa, passionné, avenant, bon camarade et qui l'aide sur certains cas difficiles. Surtout, il est physicien.
Le mathématicien et le physicien sont un des liens de cette histoire car ils ont suivi les mêmes études universitaires et se connaissent parfaitement...
Une bataille s'engage entre les ex-camarades de sciences, Ishigami et Yukawa.
Ishigami crée un bel alibi de toutes pièces pour la belle Yasuko. Puis Yukawa vient trinquer avec son ancien camarade de classe Ishigami, et lui demande avis et assistance sur cette affaire... On assiste alors à une suite de batailles psychologiques - où comment nos amis mathématiciens et physiciens succombent aux défis holmésiens qui se présentent à eux. Le crime est bien là, mais le jeu et le plaisir à défier la logique dominent tout. Voilà pour le squelette du roman. Mais c'est bien la découverte de son corps qui le rend brillant.
Keigo Higashino écoule son scénario dans une écriture d'une limpidité qui ne laisse rien au hasard. C'est tordu, jouissif et très agréable à lire. Il accroche son lecteur et le fixe avec ténacité et précision avec l'enquête et la rude bataille qui se joue sous nos yeux.
Puis vient Kudo, le premier grain de sable dans cette machinerie bien huilée. La complexité enfle et c'est un vrai régal. Les personnages ont tout prévu et, par procuration, le lecteur aussi. Du moins ce dernier le croit-il. C'est sans compter un nouvel élément, né du mariage de la folie et des fantasmes : l'Amour, avec le fameux grand "A".
Et l'amour a sa logique que les sciences n'abordent pas, que les scientifiques ne maîtrisent pas... Un amour sacrificiel de ceux que l'on ne peut prévoir, ni deviner s'il devient le mobile ou s'il prend possession de l'assassin tout autant que de la victime. Un amour japonais ? Peut-être bien si l'on pense à Un amour insensé, de Junichiro Tanizaki, ou au très grand Et puis, de Natsume Soseki. De ces hommes qui pour ce sentiment d'aimer étaient prêts à tout sacrifier ou, a minima, tout détruire. Ishigami est un héros de cette lignée romanesque. C'est pour lui le faux paradoxe des mathématiques, sciences de création, équation du monde, image de la Vie et du Tout. Parce qu'il tient trop à la vie, Ishigami est prêt à donner la mort. Les mathématiques servant le romantisme, un Descartes à la merci de Beaudelaire, voilà qui est bien beau.
Keigo Higashino amorce ses pages pour un feu d'artifice final de grande volée. Il approche le crime parfait, et offre une galerie de personnages noués dans un dénouement virtuose et bluffant qui achève le lecteur dévoué dans un cri implacable et sauvage. Cet ouvrage a reçu le prix Naoki et peut le porter haut. Son précédent roman avait quant à lui remporté en France le prix du Polar international de Cognac. Son style tient peut-être à la justesse et à la grande maîtrise de ses dialogues, qui sont sans emphase et prennent bien la majeure partie du roman, lui conférant un dynamisme permanent. La construction jouant d'habiles allers et retours constants entre les parties enquêtrices et coupables participent pour beaucoup à l'aspect grisant de la lecture. La traduction du titre, Le Dévouement du suspect X, est juste et prend son sens à la lecture du roman. Formidable en tout cas et procurant une ivresse rare sur ses dernières pages, ce roman confirme que Keigo Higashino est bien l'un des auteurs contemporains japonais qu'il faut sans aucun doute suivre !
Citation
Qu'est-ce qui est le plus difficile : élaborer un problème que personne ne peut résoudre, ou résoudre ce problème ?