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Grand format
Réédition
Tout public
Paris : Choses vues, décembre 2011
Zone 2 ; noir & blanc ; 19 x 14 cm
Iterashai !*
Shohei Imamura est connu en Europe pour La Ballade de Narayama (1983) et L'anguille (1997) - tous deux couronnés par une palme d'or à Cannes. Il a réalisé pas moins de vingt-cinq films, dont Pluie noire, et l'iconoclaste et fabuleusement érotico-fantaisie De l'eau tiède sous un pont rouge. On citera aussi sa participation au film collectif 11'09"01 - September 11. Très productif dans les années 1960, il est de la nouvelle vague japonaise, s'attachant à dépeindre souvent les situations de femmes aux prises avec la société, et souvent en conditions précaires, ce qu'il appelle "en lutte".
C'est de cette lutte que traite L'Évaporation de l'homme au travers une enquête documentaire où Yoshié, la jeune fille éperdue, lance un avis de recherche sur Tadashi Oshima, son mari disparu.
Yoshié part donc avec une équipe de tournage dirigée par Imamura lui-même à qui elle a demandé cette aide filmique. Imamura accepte et la suit. On assiste alors à un documentaire en forme d'enquête dans lequel Imamura nous montre une étude sur un phénomène de société qui existe toujours aujourd'hui : "Ces hommes qui disparaissent" du jour au lendemain, laissant travail et famille derrière eux. Il faut dire que des milliers de personnes disparaissent chaque année dans l'archipel sans laisser de traces...
Il y a évidemment matière pour le cinéaste dans cette affaire. On suit Yoshié au travers d'entretiens avec tous les protagonistes qui ont connu son mari disparu. Et l'on en découvre par la-même la personnalité qu'il était en même temps que celle de sa femme. Les multiples révélations s'enchaînent et révèlent un homme à la fois séducteur, voleur, aimant boire, et entretenant une liaison secrète... avec la propre sœur de l'enquêtrice !
On attend le mari, mais Imamura joue avec le spectateur et l'amène ailleurs pour faire prendre au titre tout son sens, car l'homme dont il est question reste néanmoins introuvable, "il ne surgit pas", et un brouillard se pose sur notre esprit. Le documentaire bascule vers la fiction. Le doute s'installe. Se pourrait-il que le réalisateur nous manipule ? Car Imamura joue avec les codes du docu-fiction et de la reconstitution. Tout se mélange. Puis enfin vient la révélation car Imamura est un artiste au travail. Les acteurs sont eux-mêmes matière et malléables au gré et désirs du réalisateur. Le spectateur est témoin mais il lui est également proposé de faire partie de ce tout.
Imamura traite de la condition humaine, des laissés-pour-compte qui ne baissent pas les bras et sont comme en guerre au jour le jour contre une société qui n'est pas faite pour eux. Nous sommes en 1967, et Imamura est lui-même aussi quelque peu en guerre contre ce Japon délaissé. Au travers du cinéma, il en fait son cheval de bataille sans concession.
Le film, bien qu'estampillé "nouvelle vague", est néanmoins très structuré. Il ne perd pas le spectateur. Les entretiens se succèdent en différents traitements, repas filmés, interviews par la presse locale "qui veut savoir" à l'image du traitement des faits divers par les masses média.
L'image DVD est en 4/3. On regrettera qu'elle soit un peu grise (absence de restauration ?). S'y ajoute un son quelque peu abîmé, mais tous les cinéphiles y trouveront leur compte. Ce n'est peut-être pas par celui-ci qu'il faut commencer, si l'on veut s'initier à Imamura. On peut faire ses premiers pas plutôt avec La Ballade de Narayama ou De l'eau tiède sous un pont rouge.
Mais on se doit de saluer la sortie en DVD (pas de support Blu Ray) d'une nouvelle édition de L'Évaporation d'un homme, pourvue de plus, d'un supplément passionnant, un documentaire de 46 min. sur une petite communauté des Philippines vivant dans une grande précarité et qui se retrouve à la merci de pirates. Imamura filmant les deux camps. Ce dernier mériterait une chronique à lui toute seule, mais dans un autre genre que celui qui ici nous intéresse
L'Évaporation de l'homme : 103. min. réalisé par Shohei Imamura avec Shigeru Tsuyuguchi, Yoshie et Sayo Hayakawa, Shohei Imamura...
Bonus. Les Pirates de Bubuan (Bubuan no Kaizoku, documentaire - 1972 ; 46 min. couleur). 3 extraits de documentaires de la série "Les Citoyens abandonnés", 1971-75, durée totale des extraits : 9 min.)
* Pars et reviens !
Citation
Actuellement, il n'y a personne que j'aime plus que vous. Mais je ne jure pas qu'il n'y en aura pas jusqu'à ma mort.