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Introduction de Richard Burgin
Postface d'Eric Miles Williamson
Richard Burgin (intervieweur)
Jose Luis Borges (intervieweur)
Bill Evans (sujet d'ouvrage)
Isaac Singer (sujet d'ouvrage)
Traduit du par Guillaume Rebillon
Puzol : 13e Note, février 2011
350 p. ; 18 x 14 cm
ISBN 978-84-937595-3-7
Coll. "Série select"
Doux comme l'Enfer
On pourrait dire des nouvelles de Richard Burgin qu'elles sont réalistes, mais ce serait réducteur et cela ne dirait rien de l'étrange impact qu'elles exercent sur le lecteur. Certes, on y retrouve la faune habituelle de bien des écrivains de la contre-culture : dealers, prostituées, obsédés sexuels, et on sent bien tout ce que Burgin doit à l'univers déjanté des romans d'Hubert Selby Junior, auteur dont il reconnait l'héritage, mais ces personnages assument pleinement ce qu'ils sont et avec une nonchalance qui nous les rend vraiment sympathiques. Surtout, le ton général de ces nouvelles n'a rien de désespérant ni de trash, bien qu'il y soit souvent question de drogue et de sexe, mais par un curieux détour on se rend vite compte en lisant Burgin que ce n'est pas de cela dont il veut nous entretenir dans ses histoires qui plongent le lecteur dans une curieuse torpeur ou, pour reprendre l'expression d'Eric Miles Williamson dans la postface, dans une "léthargie hypnotique" semblable à celle que l'on éprouve sous l'effet d'un sédatif.
En même temps, tout l'art de Burgin est d'humaniser des personnages que l'on n'aimerait peut-être pas nécessairement croiser dans la rue, qu'il s'agisse de Nick ("Le Dolphin"), un type parano qui a décidé de dessouder la strip-teaseuse dont il a fait refaire les seins, d'Andy ("Jardins fantômes"), un mari esseulé qui aimerait bien faire assassiner sa femme par un sans-logis croisé sur un terrain de basket, ou encore Philip ("Flamme"), obsédé jusqu'à la folie d'une employée d'UPS qui n'est peut-être pas tout à fait une femme... De même, dans "Rendez-vous en Enfer", Greta, simple agent comptable, se lance dans une quête effrénée de sexe qui l'amène à croire que l'Enfer est ici et maintenant, une sorte de châtiment permanent qu'elle s'inflige elle-même en ramassant n'importe quel type dans un bar.
En fait, tous les personnages de Burgin sont en proie à une idée fixe. Cette idée les amène à parler beaucoup, soit par le biais du dialogue ou par le biais de monologues intérieurs toujours parfaitement maîtrisés, lisses et froids comme la lame d'un couteau. Le pire est souvent exprimé sur un ton dégagé et cool, si bien que le réalisme du propos en devient étrange, mystérieux, conférant ainsi à l'ensemble de ces nouvelles un climat qui flirte parfois avec le fantastique.
Richard Burgin est loin d'être un inconnu aux États-Unis. Fondateur et éditeur du New York Arts Journal (depuis 1976) et de Boulevard, un prestigieux magazine littéraire publié par l'université de Saint-Louis (Missouri) où il enseigne, Richard Burgin est aussi l'auteur de deux livres d'entretiens, l'un avec Jorge Luis Borges (1969), l'autre avec Isaac Bashevis Singer (1981). Il est aussi musicien de jazz et voue une passion sans bornes pour le pianiste Bill Evans, qui fut, entre autres, un des accompagnateurs de John Coltrane. Dans l'introduction à son recueil, Richard Burgin revient sur ses origines et son parcours d'écrivain, ses admirations littéraires et musicales, sa relation singulière à la drogue qui l'aida à enseigner et à traiter ses insomnies, mais pas du tout à écrire.
Profitons de cet article pour saluer une nouvelle fois le beau travail des éditions 13e Note, qui, outre les nouvelles, offrent aux lecteurs un essai sur Bill Evans et deux extraits des livres d'entretiens de Burgin avec Borges et Singer. Saluons aussi le traducteur, Guillaume Rebillon, qui a su rendre le climat si particulier des nouvelles de Richard Burgin sans jamais tomber dans un réalisme de pacotille.
NdR - Le recueil comporte les nouvelles : "Le Dealer", "Le Dolphin", "De tout mon cœur", "Simone", "Jardins fantômes", "Miles", "L'Urne", "Flamme", "Rendez-vous en enfer", "Le Premier étage" & "Memo et Oblivion".
Non fiction : "Bill Evans. L'atelier de jazz", "Le Modernisme rusé d'Isaac Singer" & "Conversations avec Jose Luis Borges".
Citation
La quantité de peur dans le monde était égale, et liée d'une façon inextricable, à celle du désir. Le bien et le mal, la réussite et l'échec, la lumière et l'obscurité, la vie et la mort se compensaient.