Contenu
auteur
association
auteur
bibliothèque
blog
café littéraire
cinéma
colloque-conférence
commémoration
concours
disque
DVD
édition
exposition
festival
feuilleton
jeux
librairie
musique
nécrologie
photos
presse
prix littéraire
radio
revue
salon
site Internet
société
télévision
théâtre
Toutes les dépêches
Wallander : la préhistoire d'un flic
21/01/2014
La réédition au format poche chez Points des nouvelles qui ont façonné le personnage de Wallander, La Faille souterraine : et autres enquêtes, est l'occasion pour Philippe Bouquet, qui a été le premier traducteur de Henning Mankell pour Christian Bourgois, d'une relecture qui vient faire résonance avec la chronique initiale de Laurent Greusard lors de l'édition principale au Seuil. Nous vous invitons à lire l'une et l'autre, et à vous faire votre propre idée sur ce recueil de cinq nouvelles éclatées dans le temps.
"Ce n’était pas pour ça qu'il était entré dans la police. Pas pour intervenir contre des jeunes qui jouaient de la guitare et buvaient du vin en l'honneur de la première soirée d'été digne de ce nom. Mais pour arrêter les vrais criminels. Les violents dangereux, les braqueurs, les trafiquants de drogue." Henning Mankell, La Faille souterraine
Le présent volume contient six récits qui constituent une sorte de préhistoire à la série désormais célèbre sur Kurt Wallander, en ce sens que celui-ci est déjà lui-même... sans l'être. En effet, il est déjà dans la police, lorsque s'ouvre le premier d'entre eux, le 3 juin 1969, mais à Malmö et non à Ystad. Il n'est pas encore inspecteur de la PJ, seulement gardien de la paix en ces temps agités d'une Suède alors très à gauche, en particulier par les nombreuses manifestations contre la guerre du Vietnam qu'il est chargé, à son grand déplaisir, de réprimer et qui lui valent d'être traité de "sale flic" par des jeunes gens en colère. Sur le plan personnel, c'est la même chose. Il n'est pas encore marié avec Mona, mais il a déjà des difficultés avec elle. Son père peint déjà ses tableaux avec ou sans coq de bruyère, mais sa sénilité ne fait que s'annoncer. Et, s'il n'a pas de soucis avec sa fille, c'est que celle-ci n'est pas encore née. Professionnellement, ses débuts sont bien timides, sous la houlette d'un certain commissaire Hemberg, et il apprend surtout les risques du métier et ce qu'il ne faut pas faire. Mais qu'on se rassure, il a déjà du mal avec le règlement.
La première de ces nouvelles est une sorte de whodunit sans grande originalité qui prouve surtout qu'un suicide peut dissimuler un meurtre. Wallander est en effet le premier sur les lieux pour constater ce décès, puisque c'est celui de son voisin, un ancien marin du nom d'Artur Hålén. Ce suicide est suivi d'un cambriolage nocturne plus ou moins avorté, puis d'un incendie et enfin de la découverte dans l'estomac du cadavre de... plusieurs diamants. Le tout se termine mal pour Wallander lui-même, mais l'énigme sera résolue, grâce à lui ou malgré lui, selon la façon dont on envisage la chose. Le la est donc donné, même si c'est sur le mode mineur.
La deuxième nouvelle est très brève. Elle se situe à Noël 1975. Wallander est encore à Malmö mais vient d'être nommé à Ystad. Il est maintenant marié, mais les relations avec Mona ne sont pas plus faciles pour autant. Linda a cinq ans. Une vieille dame est assassinée dans son petit supermarché et Wallander se retrouve face à face avec un assassin mutique. L'histoire est une esquisse en miniature de Meurtriers sans visage, qui incite Mankell – et son personnage – à se demander ce qui arrive à son pays. Il appelle cela la faille, mais ce n'est peut-être qu'un autre nom de la mondialisation. La troisième nouvelle se déroule en avril 1987, à Ystad, maintenant. Wallander a la quarantaine et connaît la crise de cet âge, où l'embonpoint et le reste commencent à se faire sentir. Linda, elle, connaît celle de l'adolescence. Cette brève histoire d'un homme mort (d'empoisonnement) dans un taxi illustre cette vérité qu'un meurtre non élucidé peut en causer plusieurs autres. Pas de quoi rassurer un homme qui se pose bien des questions sur lui-même et sur son métier. Malgré sa petite centaine de pages, le quatrième texte, situé en 1988, possède le caractère d'un roman à propos de l'assassinat d'un photographe qui a pour passion de déformer les visages des personnalités mondiales, y compris... Wallander lui-même, lequel est maintenant en train de se séparer de Mona et de voir Rydberg, son mentor, tomber gravement malade.
Le cinquième texte, enfin, a tout d'un roman, y compris la taille. Le 11 décembre 1989, un petit avion de tourisme procède à un largage clandestin avant de s'écraser quelque part en Scanie et un incendie (volontaire) dans lequel périssent deux vieilles mercières infiniment plus riches qu'on ne le soupçonnait ravage un immeuble du centre d'Ystad. L'enquête donnera à Wallander un avant-goût de la mondialisation qui l'attend dans les quatre premiers volumes de la future série. Il est maintenant séparé définitivement et de plus en plus inquiet quant à l'avenir de son pays et au rôle qu'il peut y jouer. Comme, en plus, son père réussit à s'attirer des ennuis avec la police... du Caire, le blues du commissaire commence à se faire sérieusement sentir.
Ce livre ne peut évidemment rivaliser avec les huit "grandes" enquêtes de Wallander, mais il peut séduire quiconque s'intéresse à la "préhistoire" du personnage et à sa biographie complète. Rien de bien indispensable, mais du simplement lisible.
NdR - Le recueil comporte les nouvelles "Le Coup de couteau", "La Faille", "L'Homme sur la plage", "La Mort du photographe" & "La Pyramide".
Lisez la chronique de Laurent Greusard
Liens : La Faille souterraine et autres enquêtes | Henning Mankell | Philippe Bouquet
Par Philippe Bouquet