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Mobilis in mobile
Emmanuelle Petit ? Elle a tout d'une grande !
Bon, ma blague à deux balles étant placée, je peux commencer... Enfin, blague à deux balles, oui et non ; sur la forme, peut-être, mais sur le fond, c'est exact : Emmanuelle Petit a tout d'une grande. Mobile inconnu, son cinquième roman, en est la preuve incontestable. Construit un peu à la manière de Garde à vue – ce merveilleux film opposant Lino Ventura et Michel Serrault –, il met en scène cinq familles qui se retrouvent rassemblées une nuit dans les couloirs d'un hôpital de l'Isère. Une collision entre deux voitures a eu lieu peu de temps avant sur une petite route de montagne. Quatre jeunes adultes dans la première ; un quadragénaire accompagné d'une jeune fille dans la seconde. Le choc a été terrible et les blessés sont dans un piteux état. Il aurait pu s'agir d'un accident banal, s'il n'y avait pas eu cet impact de balle dans le pare-brise d'un des deux véhicules... L'énigme est posée et, tout au long du livre, les pièces du puzzle vont se rassembler.
Plus qu'un polar ou un roman policier, Mobile inconnu est avant tout un "roman de mœurs", car si l'enquête, qui sert de fil rouge au récit, est incontestablement captivante, elle est surtout un prétexte permettant à l'auteure d'aller sonder les âmes et les cœurs de ses protagonistes. C'est cela qui m'a le plus enthousiasmé dans ce roman : la justesse des portraits de ces hommes et de ces femmes qui, réveillés au beau milieu de la nuit par un coup de fil, débarquent à l'hôpital pour découvrir que leur enfant (ou leur conjoint) est entre la vie et la mort.
Emmanuelle Petit dépeint avec beaucoup de subtilité et de psychologie les peines, les doutes et les espoirs de ces adultes dont les vies ont suivi des trajectoires bien différentes les unes des autres. Entre les couples qui ont duré, ceux qui n'ont pas résisté à l'usure du temps, ceux qui se sont décomposés, puis recomposés, c'est toute la palette des grandeurs et des misères de la vie quotidienne que la froide impudeur des couloirs de l'hôpital dévoile soudain.
L'accident, brutal, l'attente, interminable, la souffrance, insupportable : un point d'arrêt s'est ancré dans l'existence de tous les héros malheureux de cette histoire. Pour tous, il y aura dorénavant et pour toujours, un avant et un après. Et toute leur vie, ils devront accepter la survivance de ce présent, à la fois fugace et hors du temps, intemporel mais définitivement indépassable, un présent constitué de ces heures d'angoisse passées dans cet hôpital, un présent qui n'appartiendra jamais vraiment au passé et qui n'autorisera plus de véritable futur. Un présent où ils n'auront été que des humains, de pauvres humains, fragiles et imparfaits, faits de chair, de sang et d'os, mais aussi de mensonges, de rancœurs, de vaines vanités, d'espoirs déçus, de rêves brisés...
Pas gai tout ça, mais tellement vrai... Bah, si le malheur des protagonistes fait notre bonheur de lecteur, nous n'allons pas bouder notre plaisir.
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Citation
C'est ça qui est pénible avec les jolies filles, c'est de prendre conscience à quel point on vit habituellement dans l'indifférence, en dehors de leur compagnie.