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Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (Inde) par Benoîte Dauvergne
La Tour-d'Aigue : L'Aube, octobre 2013
230 p. ; 22 x 15 cm
ISBN 978-2-8159-0873-3
Coll. "Noire"
La coupable d'office
Le vingt et unième siècle est déjà entamé d'une bonne décennie remplie d'un soi-disant modernisme mais, dans beaucoup d'endroits, la condition des femmes reste malheureusement une préoccupation majeure. Dans un pays comme la France, il est souvent question d'égalité en terme de salaires ou d'accès à certains postes dans les entreprises. Il y a également des points plus dramatiques mais encore très tabous comme les violences conjugales ou les viols que certaines victimes préfèrent taire de peur du jugement et du regard des autres.
Dans d'autres pays, la situation des femmes est encore bien plus critique, leur droit de vivre étant menacé dès la naissance.
Simran Singh a environ une quarantaine d'années. Célibataire, elle a voulu cette indépendance en refusant le mariage arrangé par sa famille pour vivre sa vie comme elle le désirait. Elle a même préféré changer de voie professionnelle et quitter une future position enviable d'avocate pour exercer aujourd'hui la profession de travailleuse sociale afin d'aider ceux qui ont quitté le droit chemin. Elle inspire la confiance aux exclus et même aux criminels en paraissant tellement loin de leur monde. C'est pour toutes ces raisons que la police a fait appel à Simran pour établir le dialogue avec Durga, une très jeune fille soupçonnée d'avoir massacré sa famille. Tous les membres ont été retrouvés morts, leurs corps dispersés un peu partout dans la maison familiale. Ce sont les domestiques qui, après une soirée de congé pour assister à un mariage, ont découvert l'horreur du carnage le lendemain matin. Seule Durga était encore vivante, le corps dénudé, une main attachée par un lien au cadre d'un lit. En plus de ses blessures visibles sur son corps, Durga affirme avoir subi des violences sexuelles qui seront confirmées par les premiers examens médicaux. Vu les circonstances, il aurait facile de la compter pour une des victimes, certes un peu plus chanceuse si on peut dire car c'est la seule qui est encore en vie, sauf que certaines preuves viennent l'accuser. C'est Durga qui a acheté le poison utilisé sur certains de ses proches. Ses empreintes ont également été retrouvées sur le manche d'un couteau...
La mission ne se révèle pas être des plus simples pour Simran qui doit réussir à établir le dialogue avec la jeune fille réfugiée dans un mutisme impressionnant. Elle avance sur des œufs pour tenter de comprendre Durga sans la braquer, mais va devoir également réussir à comprendre l'histoire de la famille. Le premier secret à percer est cette sœur qui s'est inexplicablement volatilisée sans que cela émeuve trop les siens. La seule famille proche encore vivante est une belle-sœur retournée en Angleterre pour donner naissance à son enfant, mais elle n'est pas très prolixe dans ses mails. Simra ne peut que se demander si la future maman aurait pu manigancer le massacre intégral de sa belle-famille Malheureusement tous ces mystères cachent une autre réalité car derrière cette façade de foyer des plus respectables se tait une autre réalité plus abjecte. L'univers des petites filles n'est pas rose en Inde, même encore à notre époque. Les coutumes ancestrales semblent avoir une vie bien plus longue que certaines petites filles encore trop souvent sacrifiées sur l'autel de l'héritage familial, celui de la perpétuation du nom et de la lignée.
Kishwar Desai nous livre un premier roman captivant, mais surtout bouleversant sur la condition féminine. Avec beaucoup de pudeur, elle nous entraîne dans le monde délicat de ses deux héroïnes en ouvrant avec finesse les lourdes portes du silence. C'est terrifiant de découvrir cette réalité qui, au fil des pages, se met en place par le biais d'un suspense savamment orchestré. Le personnage de Simran montre une femme d'une grande modernité dans un pays encore rétrograde. Elle se veut très forte mais finalement, malgré une indépendance affirmée, conserve une certaine fragilité liée au poids de son éducation. Durga, qui est le point central de ce fantastique roman, apparait tel un petit oiseau blessé qui s'est construit tout seule trouvant refuge dans les livres pour mieux protéger ses pensées de la violence des adultes. Et la troisième véritable héroïne de ce livre n'est autre que l'auteur, Kishar Desai. Avec l'intelligence de sa plume, elle porte la cause de ces centaines de femmes qui ne peuvent encore aujourd'hui que subir un archaïque diktat machiste. C'est un plaidoyer troublant mais surtout bien triste si on le relie avec notre époque.
Nominations :
Grand Prix des Lectrices de "Elle" Policier 2014
Grand prix de la littérature policière - roman étranger 2014
Citation
Apparemment, nous avons le même destin, Didi et moi. A peine nées, on nous a sauvées de la mort pour nous faire vivre un véritable enfer.