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jeudi 26 décembre

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Roman - Noir

La Fille de la pluie

Psychologique - Social MAJ mercredi 11 décembre 2013

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 14,9 €

Pierric Guittaut
Paris : Gallimard, novembre 2013
23 x 16 cm
ISBN 978-2-07-013842-5
Coll. "Série noire"

Actualités

  • 06/12 Auteur: Comment je suis devenu un écrivain chasseur...
    Pierric Guittaud vient de publier à la "Série noire" des éditions Gallimard un polar rural, La Fille de la pluie. Contacté pour donner quelques éléments biographiques le concernant, il s'est fendu d'un texte que nous ne pouvions couper ni trahir. Après tout, pourquoi retirer la sève de cette prose pour en faire une biographie froide ? Bonne lecture !

    Comment je suis devenu un écrivain chasseur..., par Pierric Guittaud
    Né à Melun (77), le 29/11/1974. Petite enfance en cité HLM. À huit ans, nous partons dans le sud de l'Indre, près de mes grands-parents et d'une arrière grand-tante. Après les grands ensembles de béton, je découvre le bocage berrichon, les vieux paysans au patois hermétique, le lait tiède et crémeux des vaches voisines, les sorties en vélo sur des routes où l'on croise une voiture par heure et des chiens de fermes qui nous effraient. Nous allons jouer dans le bois de Villemort, autour du Chêne Pendu où les derniers loups ont été tués et accrochés à la fin du Moyen Âge, mais pas les dimanches d'automne car il y a "les chasseurs", ces entités invisibles et inquiétantes.
    Une scolarité sans histoires : je décroche un bac scientifique avec un "casier vierge" : jamais collé, aucun redoublement, mais toujours au fond de la classe, la tête ailleurs, avec une méfiance profonde envers l'Éducation Nationale et son système où aucune tête ne doit dépasser. Pour la petite histoire, j'ai écris mon premier "polar" en quatrième : une rédaction de fiction policière virile qui me vaut une bonne note à contrecœur de la part de mon prof de français, un ancien hippie qui fait cours assis en lotus sur son bureau en fumant des clopes, ainsi qu'un commentaire m'incitant "à moins regarder la télévision et Charles Bronson" (sic).
    Trop immature pour la Fac où je débarque à dix-sept ans, je m'y perds quatre longues années. Je goûte l'amertume de l'échec et de la dépréciation de soi. Je participe au Concours de la Nouvelle Universitaire avec un récit de fantaisie, sans succès. Je fume du cannabis avec une rage qui m'enfonce dans des délires paranoïaques. Une relation masochiste et toxique avec une étudiante qui se prostitue. J'apprends sans le savoir ce qu'est le roman noir... Les USA comme bouffée d'oxygène. J'ai appris l'anglais, un peu, au lycée, mais surtout grâce au heavy metal, ma religion depuis l'âge de seize ans. Je bosse un été dans un camp de vacances en Virginie Occidentale, cette Creuse américaine, et découvre les backwoods, les sous-bois isolés. Je ne m'entends pas avec les Américains, trop superficiels mais il m'en restera le goût de leur littérature.
    Je veux faire mon service dans les paras, mais on me ferme la porte au nez à cause d'une ancienne double fracture de la jambe. Ma candidature pour un service long dans les Marins-Pompiers de Marseille est rejetée dans des conditions qui me laissent douter des institutions militaires. Vexé, je demande le statut d'objecteur de conscience et je profite de mon affectation civile pour passer mon permis de chasser après avoir été initié par mon beau-père, berrichon solitaire du pays Fort et chasseur de toujours. Le pied de nez n'est pas du goût du directeur de recherches qui me chapeaute. Il sabordera ma candidature quand le poste de technicien sera pérennisé pour pallier la fin programmée du service national. J'écris mon premier roman, une œuvre historique bancale et naïve. J'obtiens une lettre de refus personnalisée.
    Avec ma future femme, nous prenons l'ascenseur social par la porte de service : un F2 dans les quartiers Nord de Bourges pour premier logement. Elle va bosser en vélo au McDo du coin pour un mi-temps, tandis que je ne touche que des indemnités pendant mon service civil. J'apprends un jour à la radio que nous vivons sous le seuil de pauvreté. On est heureux. Je picole avec les Laotiens de mon bloc, on va se baigner, on joue au foot, à la pétanque et on honore le dieu barbecue par de fréquentes libations. Ils n'arrivent pas à me convertir au rap et j'hérite d'un surnom : bûcheron. J'enchaîne avec deux emplois-jeunes à mi-temps. Journaliste local et animateur de suivi scolaire. La revue des quartiers est noyautée par la paroisse locale et le PCF, qui vient de perdre la ville de Bourges après trente années de règne. Ambiance, ambiance. J'essaie de monter un club de football américain sur Bourges mais la mairie ne nous aidera jamais - le directeur des sports trône sous un poster encadré du club de rugby local -, alors je joue avec les Orcs de Châteauroux pendant plusieurs saisons. Je quitte mon expérience d'animateur social en ayant côtoyé une nouvelle tranche bien épaisse de roman noir : celle de l'affairisme associatif et du néo-colonialisme hypocrite. Les émeutes de 2005 créent une rupture. Lucide, je constate l'acte de décès de la France, devenue simple zone en perdition du libre-échangisme mondial.
    Mon emploi aidé n'a fait que repousser l'échéance : sans formation, je ne vaux rien sur le monde du travail. Je fais le clerc d'huissier, le préparateur de commandes dans une laiterie ou une base Intermarché, le magasinier dans une enseigne de meubles exotiques, toujours au SMIC. Je me retrouve au chômage plusieurs fois. Je pars au Liban pour ne pas mourir dans ma tête. Nouvelle opportunité manquée dans la communication comme concepteur-rédacteur. J'écris un recueil de nouvelles fantastiques. Lettres de refus. La Gendarmerie Nationale ne veut pas de moi à cause de mon profil psychologique. Je décide de me prendre en main : formation pour adultes. Dix mois loin de ma femme, de mes enfants en bas âge, que je ne vois que le week-end. Félicitations du jury et me voilà technicien dans l'industrie.
    J'ai découvert le roman noir pendant les longues soirées solitaires au centre AFPA de Beaumont. Je lis une cinquantaine de classiques et je sais que j'ai trouvé ma voie. Beyrouth-sur-Loire est rédigé l'année suivante, et publié à l'été 2010 par un éditeur maquereau qui ne l'a sans doute pas lu. Il faut plusieurs mois pour que la presse en parle, mais l'éditeur trouve qu'il n'y a pas assez de publications de gauche et il saborde la sortie de la suite, intitulée Marshal Carpentel. Je n'ai jamais touché un centime de droits d'auteur sur le premier - les écrivains de droite sont sans doute des sous-hommes qui ne méritent pas de salaire.
    Suite à leur coup de pouce décisif pour mon premier roman, je rejoins l'équipe de rédaction de la revue éléments comme chroniqueur polar, et décroche dans la foulée un contrat à la "Série noire" pour un polar gothique. Je quitte l'agglomération de Bourges et m'installe dans la forêt et les contreforts de la Sologne. Retour sur mon enfance dans le sud de l'Indre et mes virées dans le bois de Villemort. Je peux enfin chasser le gros sans restriction et tue mon premier sanglier par un dimanche de janvier sous la neige. Finalement, on fera un polar rural : La Fille de la pluie...
    Liens : Pierric Guittaut

Drame rural

Troisième roman de Pierric Guittaud, un auteur plus habitué au noir urbain, ce polar pourrait rejoindre le courant du "drame rural" (sans condescendance aucune), s'attardant dans ces campagnes tant méprisées par le landernau parisiano-parisien qui ne les supporte qu'en gîte d'hôtes si pittoresques. Le début pourrait en plus être celui d'un roman de Guy de Maupassant revu et corrigé par Mickey Spillane : Hugues, clerc de notaire en vadrouille, manque de peu d'écraser une jeune femme courant sous la pluie. Peu après, sa voiture tombe en panne au beau milieu de nulle part. Voilà le Nantais urbain plongé en plein milieu rural en attendant la réparation, un milieu ou le poids des relations humaines, des secrets, des héritages, des superstitions et des filiations cachées est encore vivace...
Un point de départ qui aurait pu donner une histoire noire à la U-turn, mais s'il y a l'équivalent d'une femme fatale juvénile, Pierric Guittaut choisit plutôt de fouiller les personnages en une structure de tragédie presque classique. L'intrigue prend alors presque la forme d'un survival à la Chien de paille : une longue montée en puissance ou les passions s'exacerbent jusqu'à une issue forcément tragique. On sait plus ou moins ce qui va se passer, mais l'essentiel est la façon dont les engrenages s'emboîtent minutieusement jusqu'à cette conclusion — et aussi de deviner qui manipule qui. Reste l'écriture qui, malgré une ou deux scènes érotiques pas toujours très heureuses, réussit à captiver par une efficacité redoutable. Si on pense parfois aux œuvres de Jean Amila ou de Pierre Pelot, eux aussi chantres de la "ruralité", en refermant cette œuvre dépourvue des longueurs qui gâchent le genre, on se dit qu'au fond, les choses n'ont pas tant changé depuis Zola. Peut-être parce que la terre, elle, est toujours la même ?

Comment je suis devenu un écrivain chasseur..., par Pierric Guittaud.

Citation

La venue d'un notaire convoque presque toujours de vieux alcools sur les tables de cuisine ou des salles à manger, par une sorte d'association d'idées avec le lent mûrissement, le temps immuable, l'occasion rare.

Rédacteur: Thomas Bauduret mardi 03 décembre 2013
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