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Grand format
Inédit
Tout public
410 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-86424-963-4
Coll. "Bibliothèque nordique"
Aux confins du mythe et de l'exploitation pétrolière
Après le succès (on ne peut plus mérité) du Dernier Lapon, Olivier truc revient au même milieu avec une autre histoire ancrée dans la civilisation des Sami (jadis connus sous le nom désormais jugé offensant de Lapons). Elle commence par la noyade accidentelle d'un jeune homme, Erik Steggo, qui accompagnait la transhumance de ses rennes. Mais à ce milieu bien particulier s'en ajoute un autre, très différent, celui des plongeurs travaillant pour l'industrie pétrolière en mer de Barents, à travers le personnage d'un autre Sami (mais fort peu conscient de l'être) : Nils Sormi. Il y a aussi divers étrangers, dont des Américains et un Finlandais (un certain Tikkanen !) et deux Français, pour la plupart attirés par toutes les affaires (pas toujours très claires ni morales, comme celles que permettent des prostituées russes) qu'on peut réaliser dans un "Far North" ressemblant passablement à son homologue de l'Ouest. Et ne voilà-t-il pas, justement, que le maire de Hammerfest (pas très regardant lui non plus sur les procédés dans le domaine immobilier) se tue accidentellement, presque au même endroit et en même temps que l'éleveur. Puis, quelques jours plus tard, mais toujours au même endroit, une camionnette plonge dans la mer, entraînant la mort de ses trois passagers, dont un artiste sami. Curieuses coïncidences. Nous retrouvons alors le couple de policiers de la brigade des rennes (qui ne doit pas, en principe, enquêter sur les affaires criminelles mais le fait quand même) présenté dans le précédent volume : Klemet Nango (lui aussi un peu Sami sur les bords) et Nina Nansen (la "méridionale" de l'histoire). L'enquête s'annonce difficile, car les Sami ne sont pas bavards, n'aiment pas qu'on se mêle de leurs affaires et ont leurs pratiques particulières à base de superstitions animistes, qui ne simplifient pas les choses. Des conflits opposent en outre les "modernes" (prêts à s'adapter à la civilisation du pétrole et à profiter de ses revenus) aux "anciens", qui ont une vue bien plus traditionnaliste des choses et s'inquiètent des menaces sur leurs terres et leur mode de vie. Ce monde-là aussi est "en crise". L'intrigue et le dénouement sont très subtils, faisant intervenir aussi bien l'histoire des Sami et leur univers symbolique (y compris la musique) que l'exploitation capitaliste la plus caractéristique de notre époque. Le choc de ces deux univers est impitoyable et il se termine sur un jeu de piste des plus complexes et subtils, et sur une quête du père couronnée de succès.
Au total, un beau roman (seulement un peu long) qui met en scène le destin collectif de tout un peuple dans ses diverses composantes, à travers une intrigue policière qui, au bout du compte, n'en est guère que le prétexte et c'est très bien ainsi. On peut admirer la qualité de l'information sur tout ce qui touche au renne, son élevage, ses habitudes, les superstitions (et les trafics !) qui y sont liés. Ce n'est peut-être pas ce qu'on attend en premier d'un roman policier, mais cela enrichit fort le livre et ces connaissances sont indispensables à l'élaboration et la compréhension de l'intrigue. L'auteur, bien que français, est apparemment tombé amoureux de la nature nordique, qu'il décrit avec une précision et une chaleur dont il faut le féliciter. Le style n'est hélas pas toujours à la hauteur et le travail de correction a laissé passer bon nombre de répétitions évitables, de formulations peu satisfaisantes et de prépositions employées de façon hasardeuse – sans compter de belles fautes de langue telles que "rabattre (sic) les oreilles" ou "voire même". Amputé de certaines longueurs et de ces scories linguistiques, le livre n'aurait été que meilleur. La hâte est souvent mauvaise conseillère.
Nominations :
Prix des lecteurs de Villeneuve lez Avignon 2015
Citation
Erik ralentit à peine en arrivant près de la masse compacte des rennes affolés, il fallait briser le cercle à tout prix, éparpiller les bêtes, il s'accrocha tant les remous étaient violents, dans une écume blanchâtre qui se confondait avec la bave moussante qui coulait de la gueule des rennes.