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Roman - Espionnage

Le Crépuscule du mercenaire

Géopolitique - Braquage/Cambriolage - Corruption - Finance MAJ samedi 15 novembre 2014

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 18,5 €

André Fortin
Paris : Jigal, septembre 2014
248 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 979-10-92016-25-3
Coll. "Polar"

Accrocs africains

Lorsque les gouvernements fonctionnent en transparence, les choses sont faciles et ont du mal à déraper, mais lorsque la politique se fait réseaux, magouilles dans l'ombre et enjeux de pouvoir, tout devient compliqué, car le moindre accroc est l'occasion de développer la paranoïa. Et les accrocs peuvent avoir différentes origines, dont certaines lointaines. Dans ce nouveau roman d'André Fortin, l'histoire débute réellement vingt ans auparavant lorsque Marc Kervadec, un mercenaire des réseaux secrets africains, a profité de ses congés en Métropole pour entamer une histoire d'amour épisodique, une histoire qui s'est mal terminée, avec à la bouche, un gout amer mais qui se digère lentement au soleil. Le même mercenaire, et c'est sans doute la raison de sa vie vacillante, a cru trouver en un président africain un homme providentiel, un homme bon, honnête, et qui semble souhaiter réellement le bonheur de son peuple ! Avec beaucoup d'humour, ce dernier évoque l'idée que si son pays peut évoluer c'est sûrement parce qu'il ne dispose d'aucunes ressources attirant la convoitise des hommes blancs. Évidemment, c'est compter sans les nouvelles découvertes minières... Ce background nécessaire explique pourquoi le mercenaire va devenir une gêne à l'occasion d'une crise.
Car il faut bien le dire les accrocs sont aussi des crocs-en-jambe humains. Les réseaux ont besoin de passer de l'argent obtenu illégalement. Du coup, un "petit juge" surveille une équipe de blanchisseurs avec d'autant plus d'acuité que la guerre entre services a poussé un clan à voler un transfert d'argent pour faire tomber certains membres d'un autre clan au sein du pouvoir. Les développements de cette crise font intervenir un policier qui croit encore à sa mission, un voyou rangé des voiture, un petit voleur à la tire et notre mercenaire.
André Fortin construit une intrigue habile qui avance de manière spiralée : les gens se croisent, se mélangent, s'éloignent, de manière éminemment rythmée et logique. Servie par un style qui sait manier un humour sobre et fin, l'histoire évite les moments trop violents (qui se passent en coulisse) pour se concentrer sur les hommes - un juge d'instruction qui comprend vite, mais sait qu'il nage en eaux troubles où il risque d'y laisser des plumes (et surtout que la vérité ne sombre dans les marais de la "raison d'État") ; deux serviteurs de l'État qui justement doutent du sens exact de leur mission et qui comprennent qu'il faut parfois passer outre la légalité officielle pour atteindre la vérité de la loi, un truand à l'ancienne mode qui tente tant bien que mal de conserver un code d'honneur dans une époque qui n'en a plus, une idéologie préhistorique et un vieux briscard de la Centrafrique qui est tellement au centre des magouilles depuis des décennies qu'il n'arrive plus vraiment à démêler les intérêts individuels de ceux du pays, comme un supertanker sans capitaine qui continue par la force de l'inertie jusqu'à l'accident final.
Dans Le Crépuscule du mercenaire, les acteurs âgés du drame sont ceux qui survivent (plus ou moins longtemps) tandis que les plus jeunes sont sacrifiés. En péripétie du drame, police, justice et commanditaires-bénéficiaires lointains continuent à observer, comme une parabole, en modèle réduit, de notre propre situation d'Occidentaux qui regardent de loin les misères de l'Afrique, tout en buvant notre chocolat chaud.

Citation

C'était une sale affaire, la sale affaire de sa vie, celle qui avait tout changé, et pas seulement parce qu'il avait été amené à toucher du doigt la pure réalité de son engagement.

Rédacteur: Laurent Greusard vendredi 14 novembre 2014
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