Ma mère, le crabe et moi

Cela faisait presque quinze ans qu'il n'avait pas publié un mot ni tué qui que ce soit, et cette retraite à demi forcée lui était devenue extrêmement pénible.
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Roman - Noir

Ma mère, le crabe et moi

Psychologique - Médical MAJ vendredi 25 mars 2016

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

À partir de 12 ans

Prix: 10,2 €

Anne Percin
Rodez : Le Rouergue, septembre 2015
128 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-8126-0929-9
Coll. "DoAdo"

Le crabe tue

La mère de Tania, presque 15 ans, tien un blog "Littérature et Confiture". C'est pathétique, juge Tania, grande lectrice d'Ovide, qui est aussi gothique, sardonique, lycanthrope. Enfin, elle aime les cimetières, Lamartine, Baudelaire... Mère et fille vivent en Auvergne depuis que le père les a quittées pour Lyon et une autre vie. Fine observatrice du genre humain, Tania découvre sa mère changée. Alors elle cherche, enquête, l'épie, jusqu'à trouver les traces laissées sur Google : déroulant l'historique des recherches, elle devine qu'elle est atteinte d'un cancer. Difficile à avouer. Difficile à partager. Jusqu'à ce moment de l'aveu : un très fort moment d'écriture. Alors l'adolescente cavale dans sa tête. C'est de mourir que le roman parle. D'une mort insidieuse, inexorable, d'un crime plus exactement, d'une mort que l'on ne peut vivre que comme un assassinat immonde, tandis qu'elle voit sa mère dépérir au rythme des chimios. Fatigue, lassitude, "un petit Hiroshima" personnel que ces chimiothérapies qui vous débarquent de votre vie sans ménagement. Les deux font face, jusqu'au jour où la mère craque. À l'instant même où ses dernières touffes de cheveux disparaissent. Alors dans un moment de rage la fille se rase le crâne. Les cheveux, on s'en fout. La scène est superbe, poignante : deux femmes dans les bras l'une de l'autre, à découvrir la puissance de la consolation affective. En parallèle, Tania si rebelle à tout exercice sportif va découvrir le cross à l'école, cette discipline intérieure qui vous commande de rester au plus près de votre corps. D'entraînement en entraînement, elle s'observe, se détend, s'ouvre à la vie, jusqu'à cette course qui a engagé tout le bahut, cette course qu'elle ne gagnera pas mais tout au long de laquelle elle ne cessera de songer à sa mère, postée dans le détour d'une courbe, fragile, aimante. Nous n'irons pas plus loin dans ce combat qu'une écriture attentive porte avec assez de pudeur et d'intelligence pour ne pas enfermer le lecteur dans des émotions faciles. Il campe dans une sorte de légèreté et de grâce propre au monde de l'enfance, non pas inconscient devant la mort qui s'avance, mais d'une profondeur finalement plus juste que celle de tous les cris éplorés qui nous retiennent sur le bord de la tombe.

Citation

La chimie, c'est puissant. ça change les gens.

Rédacteur: Joël Jégouzo lundi 16 novembre 2015
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