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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'italien par Sophie Royère
Paris : Sonatine, janvier 2016
286 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-35584-302-0
Il Duo
Le premier s'appelle Furio Guerri. C'est un commercial qui sillonne les routes au volant de sa duetto pour la société d'imprimerie Aggradi. Il fait d'excellents chiffres de vente, rembourse le prêt de sa belle maison de la province de Pise, gâte sa fille Caterina et sa femme Elisa qu'il connaît depuis l'époque du lycée et qu'il est fier d'avoir épousée car elle était celle sur qui tous les copains fantasmaient. Son activité professionnelle fait de lui quelqu'un de solitaire mais ses collègues en général et Magnani (son formateur) en particulier l'apprécient. Il est bien habillé, présente bien, bref il est bien sous tous rapports. Le second s'appelle Furio Guerri même s'il lui arrive de dire qu'il s'appelle Flavio. Il parle de lui comme d'un monstre et passe son temps dans sa duetto garée devant un lycée à épier les jeunes filles. Quand il pénètre dans l'établissement c'est en tant que technicien informatique. Il fait du gringue à une prof de soutien qui se prénomme Laura. Vous aurez bien évidemment compris que le premier et le second portent le même nom car ils sont la même personne. Je ne vous en dis pas plus. Sachez seulement que quand on porte un costard de sociabilité, il ne faut surtout pas être un maniaque de la propreté. Parce qu'à la moindre tache le côté obscur risque d'avoir envie de se mettre de face. Une tache peut venir de la découverte que l'on a une femme qui nous ment. Ou de la découverte que l'on travaille pour une entreprise qui ne fait pas de sentiments et qui a la mémoire courte en matière de reconnaissance, surtout face à la mondialisation dans l'Italie de la fin des années 1990-début des années 2000. Ou de la découverte des deux. Et, là, vous vous dîtes : "Il nous en a quand même dit beaucoup !" Ah ! Là, là, si vous saviez...
Giampaolo Simi signe avec La Nuit derrière moi son neuvième roman (comme il date de 2012, depuis il y en a eu un dixième). Alors, je ne sais absolument pas comment sont les autres, mais celui-là, pardon : quel maîtrise ! Niveau référence, comme tout le monde, il a lu et a été influencé par Stephen King (Stephen King sans le surnaturel, je veux dire) c'est évident. Pour le reste, tout, du début à la fin, est incroyablement distillé, pesé, étudié pour que ça fasse mouche. Les alternances de rythmes sont les bonnes, la montée dramatique est redoutable, les zones d'ombre s'éclairent aux bons moments, l'évolution de la psychologie des personnages et, surtout, bien évidemment celle de Furio Guerri sonne tellement juste qu'on en finit par se demander si l'auteur ne nous livre pas un récit autobiographique (d'ailleurs le parti pris de faire raconter l'histoire par un narrateur qui est le personnage principal, alors que le personnage principal est déjà double, est absolument géniale pour un roman dont le thème est l'identité). C'est intelligent, c'est malin, c'est prenant, c'est implacable, c'est magnifiquement vicieux (il faut quasiment arriver à la moitié du roman pour commencer à identifier les fausses pistes !). Rien n'est laissé au hasard, chaque phrase, chaque mot, chaque tournure est une pierre de l'édifice. Ce n'est jamais poussif et le seul moyen d'anticiper c'est d'être bien concentré car, croyez-moi, tout y est. Je vous le recommande vivement et vous souhaite bien du plaisir !
Citation
Entre deux tournants, tu vérifies que ton pantalon n'est pas taché et tu renifles ta chemise. Un représentant doit toujours être impeccable. Et tu ne peux pas prendre le risque d'éveiller les soupçons d'Elisa quand elle mettra tes vêtements dans la machine.