Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'espagnol (Vénézuela) par René Solis
Paris : Métailié, mars 2018
368 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 979-10-226-0755-1
Coll. "Noir - Bibliothèque hispano-américaine"
Le petit porteur de valises
À Caracas, on se tue pour un oui ou pour un non, un regard de travers, un accident de circulation, une portion de territoire appartenant à tel ou tel gang. À Caracas, pays du chavisme triomphant, ceux qui ne soutiennent pas le pouvoir sont des éléments étrangers infiltrés par l'Oncle Sam. Les Cubains sont les bienvenus dans les salles de rédaction des journaux, histoire de faire respecter la ligne politique en vigueur et de faire passer les opposants pour de vilains corrompus. Oui, Caracas est l'une des villes les plus dangereuses du monde, et Chavez son prophète de la révolution en marche. Mais il n'est pas facile de gagner sa vie quand on est un petit fonctionnaire et que l'on s'appelle Donizetti, nom italien rappelant l'art lyrique dans une ville où l'on préfère la musique des flingues. Donizetti, qui émarge dans un journal lié au pouvoir (de toute façon, il n'y a pas d'autres journaux au pays du chavisme), arrondit ses fins de mois en convoyant de mystérieuses mallettes à travers le monde. Ses interlocuteurs sont toujours anonymes ; et que l'on se trouve à New York, Genève ou Rome, ils ont un certain don d'ubiquité. Bien sûr, Donizetti ne doit pas savoir ce que recèlent ces étranges bagages, sinon on lui fera payer très cher avec une petite séance de torture en compagnie d'un Cubain diligenté pour l'occasion. À Caracas, on sait aussi faire disparaître les gens selon les règles de l'art.
Toute une partie du roman de Juan Carlos Méndez Guédez raconte d'un ton à la fois réaliste et facétieux les tribulations loufoques de Donizetti à travers le monde, mais aussi les lubies de son ex-femme fabriquant des fleurs en porcelaine. L'auteur donne à ses personnages une épaisseur humaine qui fait rire et pleurer à la fois ; et l'on est de tout cœur avec Donizetti, ce pauvre loser, quand il décide de prendre sa revanche sur un système corrompu qui entend pourtant défendre le peuple. Car c'est de cela dont parle l'auteur dans Les Valises : la corruption endémique qui sévit au Venezuela et qui fait des citoyens des intermédiaires faciles pour écouler ce que l'on ne doit pas voir - argent, drogue, contrats juteux, etc. Polar, satire sociale, parodie kafkaïenne, Les Valises est un roman réussi qui donne envie de s'intéresser aux autres œuvres de son auteur, à condition de se tenir loin... de Caracas !
Citation
Tu es une machine. Un robot qui tient à la main une valise que tu ne dois jamais lâcher tant que tu n'as pas reçu le signal précis. Quelqu'un te surveille. Quelqu'un veille sur toi et te dit exactement ce que tu dois faire.