Tu entreras dans le silence

- Tous les hommes meurent un jour, mon fils. Y a-t-il une raison précise pour que je meure ce soir ? - Vous devez mourir ce soir parce que Seito, Watanabe, Matsuo meurent tous ce soir aussi ! Tous les étrangers doivent mourir, et vous en êtes un.
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Roman - Noir

Tu entreras dans le silence

Historique - Guerre - Révolution MAJ mardi 03 mars 2020

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 19 €

Maurice Gouiran
Paris : Jigal, février 2020
296 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-37722-096-0
Coll. "Polar"

Révolution sur les tranchées

Lorsque les soldats français partirent au combat, en 1914, c'était avec la certitude de rentrer rapidement victorieux. Mais un an et demi et plus de sept cent mille morts plus tard, Paul Doumer n'a d'autre solution que de se rendre en Russie pour proposer au Tsar Nicolas II d'échanger les armes dont il a cruellement besoin pour lutter contre les rebelles menaçant son trône contre des hommes pour aller se battre au côté de l'armée française. Quarante-quatre mille jeunes combattants russes quittent donc leur pays pour Marseille, avant de rejoindre le front. Parmi eux : Kolya, le jeune journaliste anarchiste et francophile, Slava, petit voyou fuyant la police tsariste après un meurtre, Iouri en quête d'une vengeance dévorante, et l'idéaliste rêveur Rotislav. Des bas-fonds de Marseille à la boue des tranchées, du massacre du Chemin des Dames aux parades parisiennes, ces déracinés et quelques autres vont prendre part aux batailles les plus sanglantes alors même que leur lointaine patrie est en pleine révolution et que le tsar qui les a envoyé au casse-pipe a été renversé par les bolcheviques. Mais dans les tranchées, que faire de cette liberté nouvelle ? Continuer à se battre ? Rentrer soutenir les révoltés ? Déserter ?
Auteur marseillais féru de polar historique, Maurice Gouiran se penche avec Tu entreras dans le silence sur la situation, passionnante et peu traitée du rôle des combattants étrangers dans l'armée française. Vendus comme du bétail par leur souverain, envoyés au front sans préparation, considérés comme une chair à canon bien pratique par les généraux, maltraités par leurs officiers, exploités par les popes, les "cosaques" sont des héros méconnus de la Première Guerre mondiale. En choisissant de s'attacher aux pas de ces simples soldats plongés dans la boucherie, Maurice Gouiran, qui ne fait pas mystère de ses sympathies libertaires, dessine un portrait à charge de tous les puissants, de tous les galonnés. Éclairant par des moments finement choisis des points cruciaux de l'histoire de ces soldats russes qui tentent de réinventer l'armée comme la société (à travers de belles scènes de soviets, ou la dérisoire lutte de mutins cernés par leurs anciens alliés), changeant de personnage et de point de vue à mesure qu'avance la guerre et leur cheminement idéologique, l'auteur aurait déjà signé un magnifique réquisitoire contre la guerre. Mais en bon auteur de polar, il ne s'arrête pas là, et au fil de sa mosaïque de scènes imbriquées, ajoute des meurtres, un casse et un amour fou à une histoire à la noirceur toute russe. Car si les morts s'enchaînent, dans Tu entreras dans le silence, elles sont souvent vaines, gratuites, futiles, simples notes en bas de page du flot d'une Histoire qui écrase les hommes comme les idéaux. Superbe.

Citation

- Ça va durer encore longtemps ? s'inquiète Rotislav.
J'aimerais lui répondre que tout va bientôt rentrer dans l'ordre mais je n'y crois plus. Sans doute devrais-je m'excuser d'avoir autant insisté auprès de mes hommes pour les inciter à obéir au Gouvernement provisoire et les convaincre, quinze jours plus tôt, de poursuivre le combat. J'aurais dû comprendre que la guerre n'a jamais tué la guerre, qu'au contraire, elle engendre immanquablement des soifs de revanche, d'autres guerres et que cela n'en finira jamais.
Ma responsabilité est lourde, très lourde. Elle perturbe mes nuits car des milliers des nôtres sont restés sur le tapis et ne regagneront jamais leur Russie natale.
Mais je me tais

Rédacteur: Jean-François Micard mardi 03 mars 2020
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