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Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Isabelle Reinharez
Paris : Gallimard, octobre 2024
300 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-07-304073-2
Coll. "La Noire"
Le cimetière de la morale
Dans la petite ville de Blowing Rock, en Caroline du Nord, les Hampton forment une famille qui compte. Propriétaires de la scierie et de l'unique magasin, ils sont habitués à ce que le monde tourne selon leur volonté. Alors quand leur unique fils survivant, l'héritier promis à un bel avenir, s'amourache d'une femme de chambre illettrée de seize ans et qu'elle se retrouve enceinte peu avant son départ pour la guerre de Corée, les Hampton n'entendent pas se laisser faire... Un complot aussi désespéré que machiavélique est alors mis en place pour tenter de "redresser" la situation.
Cela faisait longtemps que l'on n'avait pas eu de nouvelles de Ron Rash, romancier discret qui raconte les vies et les destins de ses concitoyens de Caroline du Nord, un État rural, de petites villes, peuplé de "gens simples" comme il affectionne de les décrire. Ici, c'est à travers le spectre de l'Histoire qu'il met en place un roman noir (presque) sans violence et sans crimes, mais où tout le monde est coupable à sa façon. Marié sur un coup de tête ou de foudre à la très jeune Naomi en dehors de sa condition sociale, Jacob anéantit les rêves de ses parents qui ont déjà perdu ses deux sœurs de la polio, cette même maladie qui a ravagé la ville et laissé son meilleur ami Blackburn défiguré. Croque-mort au petit cimetière local, c'est pourtant bien lui le véritable héros du roman (ce que le titre original, The Caretaker annonce de façon transparente), celui qui, plus qu'enterrer les morts, aide aussi les vivants à exister, qui prend soin d'eux. C'est lui qui, en l'absence de son ami, s'occupe de sa jeune épouse enceinte, contre la volonté de leurs parents respectifs. C'est encore lui qui, au retour de la guerre, recueille un Jacob traumatisé par ce qu'il y a commis. C'est lui, enfin, qui finira par se montrer plus fort que la mort.
Roman atmosphérique, Une tombe pour deux évolue lentement, au rythme d'une machination certes un peu tirée par les cheveux, mais qui est pour Ron Rash avant tout un moyen de creuser les failles profondes de ses personnages, de voir jusqu'à quel point l'amour peut les entraîner, sur le chemin du mensonge, celui du crime ou celui de la rédemption. Parfois naïf et cousu de fil blanc, dans une approche qui pourrait évoquer le cinéma de Frank Capra ou Douglas Sirk, ce nouveau roman n'en regorge pas moins de personnages forts (tous, même les plus secondaires, étant marquants et crédibles) et de moments de grâce qui font que l'on y repense encore longtemps après l'avoir refermé.
Citation
Les morts ne pourraient pas lui faire pire que ce que les vivants lui avaient déjà fait.