Étincelles rebelles

Roman - Policier

Étincelles rebelles

Noir Sénégal

Nous sommes au Sénégal. Latyr est un jeune policier qui vient de mener une enquête difficile en s'infiltrant dans un réseau de trafiquants de drogue. Il a pu ainsi remonter jusqu'à la tête du réseau, un chef qu'il vient d'arrêter. Mais il reçoit différentes coups de fil pour libérer son prisonnier. Comme il refuse, il va être exilé par ses chefs, notamment un certain Kane, en Casamance, une région périphérique où la guerre civile continue à bas bruits. En route, il croise alors Aguène, une jeune journaliste qui tente de prouver l'implication de Sagna, le ministre de l'Intérieur, dans le trafic de drogue, en s'appuyant même sur des factions rebelles qui s'opposent au pouvoir central. Arrivé dans son poste, il découvre que certains villages pour se protéger ont créé des milices d'autodéfense, dont font partie les "chasseurs". Parmi eux, Lamine et Elinkine, qui ont accepté pour protéger leur village de servir de convoyeurs de paquets de drogue entre la ville et la rébellion. Alors qu'ils effectuent une mission de ce genre, ils sont attaqués et même s'ils parviennent à se défendre, Lamine est quand même arrêté par Latyr. Ce dernier découvre quelques heures plus tard que des inconnus, sans doute liés aux forces de police, essaient de liquider Lamine. Mais qui est derrière ces policiers ? Pourquoi Kane est-il venu sur place, en Casamance ? Est-il le chef des corrompus, malgré la réputation d'incorruptible qu'il possède ? Y a-t-il derrière lui Sagna qui a l'air de penser que l'argent des trafics pourrait permettre au pays de se développer, plutôt que de demander l'aide des anciens colonisateurs ?

Dans une littéraire policière devenue mondiale, les éditeurs ont ouvert une grande porte pour les polars venant du nord de l'Europe. Les autres continents, hormis l'Amérique, restent cependant les parents pauvres de cette ouverture. Et comme pour une grande partie des répartitions mondiales, l'Afrique est un continent souvent mis de côté. Avec Macodou Attolodé, la "Série noire" propose un nouvel auteur, qui va s'ajouter à la maigre liste des auteurs africains proposés. Et non seulement c'est une justice qui est réparée mais ce n'est pas que cela, c'est aussi une bonne idée. Le roman est de forme et de fond classique avec une histoire de corruption, de forces politiques qui magouillent pour se financer et s'appuient sur les policiers qu'ils ont mis en place. En centrant son histoire, non seulement sur un jeune policier incorruptible, mais sur d'autres personnages qui sont jeunes (une journaliste, un ancien enfant-soldat révolté et qui veut aider ses prochains), l'auteur propose un polar ouvert sur la société, montrant les forces possibles (même si la force brute reste du côté des puissants) avec des personnages ambigus (le chef de la police Kane, un policier local, des rebelles qui magouillent eux aussi, le ministre qui entend se présenter à l'élection présidentielle à venir) pour raconter une histoire du temps présent, une crise politique et humaine forte et construite avec soin, en ajoutant quelques éléments "fantastiques" qui s'insèrent bien et apparaissent même réalistes. Le final pourrait laisser penser à une suite possible, ou la continuation des aventures de Latyr, et ce serait une bonne idée, car le récit est bien mené et présente une situation et un pays à travers un roman qui donne envie d'en savoir plus.

Citation

Le trafiquant avait paru étrangement confiant quand il avait annoncé qu'il serait très vite remis en liberté. Ces interventions ubuesques du colonel de gendarmerie cachaient-elles quelque chose ? Une autre phrase du suspect intriguait Latyr. Vous voulez que je coopère avec la police ? Je le fais déjà.

Rédacteur: Laurent Greusard jeudi 02 janvier 2025 partager : | |