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Dom Dayau et une certaine intimité des flics

Jeudi 01 décembre 2011 - Dom Dayau est un homme étonnant. Toilette de flic, son recueil de nouvelles, aussi. Appelons ça de l'auto-fiction déguisée, mais loin des atermoiements d'une certaine auto-fiction, celle-ci, à l'instar de ce que fait Marc Villard, est explosive. La preuve en quelques questions...
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© D. R.



k-libre : À lire la quatrième de couverture "J'ai la tripe d'un vieux flic, une tripe fatiguée par le stress, les abus en tous genres, le tabagisme passif [...] Toilettes de flic explore le rôle des commodités dans une carrière vouée à la lutte contre la criminalité", on pourrait penser tomber sur un recueil de nouvelles scatologiques. Il n'en est rien... Alors pourquoi une telle quatrième de couverture, et d'où est venue cette idée de recueil ?
Dom Dayau : Traiter le sujet des toilettes en tant que lieu d'action du policier d'investigation me paraissait intéressant et original puisque ce lieu d'aisances est parfois un lieu naturellement recherché par les flics et les voyous dans certaines phases de leur "travail" respectif. En outre, ce lieu quelque peu confidentiel semblait propice à des situations tragi-comiques ou surprenantes. Enfin ces fameuses toilettes m'offraient un excellent angle d'attaque pour faire partager au lecteur quelques facettes méconnues du métier d'enquêteur tout en lui racontant des histoires décalées et liées entre elles.

k-libre : Vous qui avez écrit plusieurs romans, comment abordez-vous ce format court, et entre roman et nouvelle, que préférez-vous ?
Dom Dayau : Au fil du temps, je suis attiré par le genre de la nouvelle qui m'oblige à serrer mon écriture, à aller vers l'essentiel en me débarrassant des fioritures pour adopter un style dépouillé. Le format court, forcément plus percutant, correspond également à ce genre de récits qu'est Toilettes de flic, retraçant des situations brèves demandant des réactions intuitives ou spontanées. Peut-être suis-je aussi paresseux et peu enclin à me plonger régulièrement dans l'écriture d'un roman qui accouche toujours plus tard et dans la douleur ?

k-libre : Toujours sur cette quatrième de couverture, il est mentionné "comme une autobiographie de flic" mais dans votre introduction on lit que "tous les personnages de ce recueil, à part le narrateur (et encore), sont imaginaires"... Alors, on travestit le réel pour s'en évader ?
Dom Dayau : Franchement, toutes les situations rencontrées dans ce recueil appartiennent à mon vécu. En cela, elles sont autobiographiques et attachantes par leur sincérité. Toutefois il est nécessaire de les passer au crible de mon imaginaire pour les rendre agréables à lire et compatibles avec mon style un rien déjanté. Oui je m'évade un peu du réel en travestissant les noms des lieux, les endroits où se sont déroulées les actions, en embellissant ou en noircissant le trait... Il n'y a rien de plus barbant que la réalité du quotidien strictement relatée. Le factuel est très important, mais la fantaisie le rend plus digeste.

k-libre : "C'est à la colonie de Bourlastic que j'ai compris l'incommensurable dangerosité de l'être humain, sa connerie sans limites." Du coup ça vous donne du travail à la PJ et ensuite de la matière – sans limite – pour écrire des polars, non ?
Dom Dayau : Indéniablement ! Pour m'épanouir dans mon métier, j'ai besoin d'aimer l'humain, de l'appréhender dans toute sa complexité pour mieux le comprendre. Percevoir ses points forts et ses faiblesses. À la PJ, pour diverses raisons, on rentre très vite dans l'univers intime des gens. Cette apparence de pouvoir implique un devoir de réserve et un profond respect d'autrui. L'être humain a ses qualités et ses défauts. Parfois il entre dans le fait divers qui reste toujours un fait extraordinaire. La matière de l'écrivain est à puiser là, dans l'humain et dans son fait divers.

k-libre : En général, on dit que les flics n'ont pas d'humour (votre collègue dans "Waterloo morne plaine" n'en manque pas non plus) et là, le livre en est bourré... Vous seriez une exception ?
Dom Dayau : Je ne pense pas. Les gens se font souvent une idée fausse des archétypes. Nous, les poulagas de terrain, travaillons en équipe, sans nous prendre trop au sérieux. Pour pallier le stress ou la noirceur du quotidien, nous aimons plaisanter, prendre du recul par rapport à une actualité trop pesante en relativisant. L'humour est un remède et il est bon comme dans le livre de rire de soi et de ses propres mésaventures.

k-libre : Arriver à faire une intrigue avec l'achat d'un cadeau de mariage ("Le Second témoin"), il faut être fort, non ?
Dom Dayau : Quand j'ai écrit cette nouvelle, je venais de marier mon fils, et la situation s'est imposée à moi en étudiant le comportement des convives. J'ai lié ça à un événement qui m'était arrivé au même âge, avec cette coutume du "cadeau de mariage" comme vous dites, et le second témoin a jailli de mon imaginaire.

k-libre : On ne va pas passer toutes les nouvelles au crible, vu que vous ne voulez pas dire ce qui est vrai du faux - et on le comprend -, mais quand même, prenons quelques points. "La Madone des squares", "Le Flic transformiste", ça ne s'invente pas...
Dom Dayau : Non, bien sûr, mais ça se travestit, ça se maquille, ça fait des pieds de grue et des pieds de nez à la stricte réalité des faits. Le travail des flics de la "Mondaine" n'est pas si facile...

k-libre : Vous vous dévoilez quand même dans "Waterloo morne plaine" lorsque vous parlez à la fin de votre collègue retraité...
Dom Dayau : C'est sûr qu'il va payer un jour ou l'autre, l'enclume ! Nous ridiculiser mon collègue et moi, en terre étrangère qui plus est ! Il ne perd rien pour attendre : la vengeance est un plat...

k-libre : Votre "exfiltration bordelaise" serait donc liée à une bonne bourde, plutôt qu'à une promotion professionnelle... On n'ose y croire...
Dom Dayau : Il arrive qu'une mutation géographique soit indispensable à la sécurité d'un agent... Mon parcours professionnel est plus compliqué ou plus simple, selon l'angle de vision. Mon héros, lui n'a pas eu trop le choix.

k-libre : Des Monsieur John, qui tombent pour, ça ne s'invente pas, des contrefaçons Lacoste repérées car le crocodile était cousu à l'envers (ça fait un peu syndrome Al Capone tombé pour fraude fiscale), vous en avez croisé ?
Dom Dayau : Oui ! Un ! J'espère qu'un jour il lira le livre !

k-libre : Et des ingénieux comme Pablo, qu'on prend pour de frustes mules et qui arrivent à gruger les gabelous aux superbes toilettes pour mules de l'aéroport d'Orly ?
Dom Dayau : En principe c'est plutôt l'inverse, mais il serait idiot de croire que tout le monde tombe dans le panneau. Ce serait faire injure à l'inventivité des passeurs et à leur instinct de survie. Ici, il ne s'agit pas d'un jeu. On s'apitoie sur la condition de Pablo.

k-libre : "Les Jolies colonies de vacances" n'est pas tendre avec les psy "Les psy, on les retrouve partout : dans les tests de sélection, dans les débriefings, au retour des missions spéciales, dans les enquêtes criminelles, les coups durs, les bavures, les catastrophes... psychologues, psychiatres, psycho-criminologues, profilers, mentalistes, toujours prêts à vous pourrir la vie." C'est de la fiction, les écrits n'engagent pas l'auteur, mais vous, qu'en pensez-vous ?
Dom Dayau : Je suis d'une génération qui a vu les psy rentrer dans l'univers du policier. C'est un fait de société. À présent, trente ans après, cela peut paraître banal, mais à l'époque, nous regardions cela avec circonspection. Dans le livre, je m'en amuse et j'en abuse. Après les WC à la turque, il fallait bien trouver des têtes de turc...

k-libre : Merci beaucoup.


Liens : Dom Dayau | Toilettes de flic Propos recueillis par Christophe Dupuis

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