Dans la mer il y a des crocodiles

Le calme pourtant n'était qu'apparent et ils savaient que le répit ne serait que de courte durée ; le danger était présent. La mort rôdait.
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Mémoires - Insolite

Dans la mer il y a des crocodiles

Géopolitique - Immigration clandestine - Trafic MAJ vendredi 03 juin 2011

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 15 €

Fabio Geda
Nel mare ci sono i coccodrilli - 2010
Traduit de l'italien par Samuel Sfez
Paris : Liana Levi, janvier 2011
174 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-86746-558-1
Coll. "Essai"

Candide aux pays des trafiquants d’homme

Ce récit n'a rien d'un roman noir comme des lecteurs de k-libre peuvent l'entendre mais il a tout du noir de l'horreur, malgré le ton léger de l'enfance. Disons-le tout net, le seul lien avec le roman noir ce sont les auteurs de polar italien qui s'emparent de ce sujet, celui des échoués à Lampedusa ou ailleurs sur les côtes italiennes. L'histoire est paraît-il banal, et Fabio Geda, ex travailleur social, qui a consigné l'épopée de Enaiatollah Akbari a été touché, non pas par l'originalité de son parcours mais par le ton très particulier d'Enat pour le raconter.

Enaiat est afghan, de la tribu des Hazaras, des chiites, donc rejetés à la fois par les talibans et les Pachtounes majoritaires et sunnites. Son père est aux mains des Pachtounes, il fait passer des marchandises, et quand il est assassiné et les marchandises volées, c'est à sa famille de travailler pour les rembourser : la famille, soit des enfants en bas âge et leur mère qui fait tout pour les protéger et qu'ils ne tombent pas aux mains des bourreaux de son défunt mari. Mais quand Enaiat a dix ans, la situation devient trop dangereuse pour lui, alors il faut partir : sa mère l'emmène au Pakistan à Quetta. L'enfant qui, malgré la violence des talibans qui assassinèrent son maître d'école sous ses yeux, n'a jamais connu que son village, les jeux d'enfants et la douceur de sa mère se retrouve chez un marchand de sommeil, un lieu de trafic d'hommes comme il en découvrira à la pelle par la suite, entouré de voitures, de bruits inconnus qui l'effraient.
Un soir sa mère lui fait promettre de ne jamais voler, de ne jamais se droguer et de ne jamais se battre. Et le lendemain matin, quand il se réveille, plus de mère à ses côtés, elle est partie rejoindre ses autres enfants. Voilà, Enaiat seul. Candide, au départ, il fera ses armes dans la ville. Il devient vendeur de rues et rencontre des enfants qui partagent le même sort que lui. Mais la vie est dure, la menace talibane, la menace policière le poussent à partir. Il paraît qu'en Iran on gagne mieux sa vie, c'est aussi un pays chiite, donc plus sûr pour lui. Et les trafiquants d'hommes vous permettent de traverser n'importe quelle frontière, au péril de votre vie. Enat n'a pas assez d'argent alors il travaillera dans la banlieue de Téhéran sur des chantiers pour rembourser le passeur. Mais le travail est dur, on risque sans cesse d'être expulsé, retour gratuit en Afghanistan, alors on paye un nouveau passeur. La vie est trop dangereuse ici. Alors il faut encore partir... Pour vivre, pour survivre, il faut partir sans cesse dans des conditions où l'on frôle toujours la mort.
Après l'Iran, la Turquie dans des circonstances qui vous donnent tout simplement l'impression de lire le récit d'un rescapé de la Shoah tant les récits sont identiques. Puis après la Turquie, où il n'y pas de travail, Enaiat part en Grèce dans un canot pneumatique avec d'autres gamins encore plus jeunes que lui (le passeur leur a donné des rustines au cas où le bateau perce...). En Grèce, on trouve du travail pour la construction de l'infrastructure pour les jeux Olympiques, mais après c'est fini. Le danger en Grèce c'est aussi d'être arrêté, car l'espace Schengen veut que ce soit le pays où l'on est arrêté la première fois qui vous accorde ou non un statut de réfugiés. Or, la Grèce n'accorde que très rarement le statut de réfugiés. Pris en Grèce, vous signez votre arrêt de mort, votre retour au pays, dans un pays qui ne vous accepte pas… Et c'est pourtant en Grèce qu'il rencontre sa première vraie bonne fée, quelqu'un qui sans le savoir lui a sauvé la vie.

Après de nouvelles épopées helléniques, l'enfant débarque en Italie, il aurait pu choisir la France, et on le verrait au pied du métro Stalingrad où se trouvent les enfants afghans, mais il a choisi l'Italie parce qu'il sait qu'un gamin de son village natal y habite. Il sait que l'Italie est un grand pays, que peut-être il ne le retrouvera pas. Et c'est là en Italie qu'il rencontre de nouvelles merveilleuses bonnes fées, même si la plus grande des fées aura été sa mère. Et pourtant, ce récit n'a rien d'un conté de fées.

Citation

Un chose que je voulais éviter (comme d'autres, genre mourir)était justement que quelqu'un profite de moi.

Rédacteur: Marie-Caroline Saussier dimanche 29 mai 2011
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