Un troisième visage

J'ai rencontré l'homme qui devait devenir mon mari. Il était beau, il était riche, il avait une voiture sport qui m'impressionnait beaucoup. Les filles de maintenant épousent souvent des autos. C'est un mal du siècle !
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Mémoires - Noir

Un troisième visage

Braquage/Cambriolage - Guerre - Corruption - Urbain MAJ dimanche 11 décembre 2011

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Réédition

Tout public

Prix: 20 €

Samuel Fuller
A Third Face - 2002
Avec la collaboration de Christa Lang Fuller & Jerome Henry Rudes
Préface de Martin Scorcese
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Hélène Zylberait
Paris : Allia, août 2011
682 p. ; illustrations en noir & blanc ; 22 x 15 cm
ISBN 978-2-84485-409-4

Fuller par Fuller

"Nous avons tous trois visages" écrit Samuel Fuller à la fin de sa très longue et dense autobiographie, avant de s'attarder sur ce troisième visage qui donne son titre à l'histoire de sa vie brillamment romancée. Car si personne ne peut voir ce troisième visage, que vous seul connaissez, il le décrit tout du long de ces six cents soixante-dix pages tel le journaliste, le romancier, le scénariste et le réalisateur qu'il a été. Peut-être bien d'ailleurs le plus français des Américains. Trois visages et trois vies ou romans dans cette autobiographie. Samuel Fuller journaliste, Samuel Fuller soldat et enfin Samuel Fuller réalisateur.

Samuel Fuller sait raconter des histoires mais ne sait peut-être pas parler de ses films. Et ça tombe plutôt bien : car c'est surtout de sa vie dont il est question. De ce gamin qui sait très tôt qu'il veut devenir journaliste puis détenir son propre journal, tout comme son héros de Violence à Park Row (1952). Dès treize ans, il est paperboy. Le lien courant entre le journaliste et l'imprimeur à la linotype. Il jongle entre ses études et ce métier pour aider sa mère financièrement. Attiré par le crime, il a pour mentor Gene Fowler, et baigne dans l'histoire passionnelle de cette année 1927, celle de Ruth Snyder qui a séduit un homme afin qu'il tue son mari. L'affaire fait alors grand bruit au point de détrôner des Unes celle de Saccho et Vanzetti ! Elle inspirera Le Facteur sonne toujours deux fois, du romancier James M. Cain. Gene Fowler la suit, et Samuel Fuller sait qu'il veut faire ce que fait Gene Fowler. Alors, avec le sans-gêne qui le caractérise, il s'impose au risque de déplaire à sa mère qui voit d'un mauvais œil ses fréquentations sordides. Il faut bien dire que le métier n'est ni de tout repos, ni sans risque. Il se retrouve attablé à côté de Al Capone, qui l'observe. Mais tout ceci le transcende. Hollywood lui tend les bras, mais lui rechigne à y aller. Il réalise quelques scénarios, devient nègre pour un grand scénariste. Et puis il y a Pearl Harbour.

L'heure de s'engager dans l'infanterie et de refuser d'être correspondant de guerre. Fuller ne le sait pas encore mais il entre un peu plus dans l'histoire. Il intègre la 1ère Division, The Big Red One. Il va débarquer en Afrique du Nord, en Sicile. Toujours dans les première vagues. La division s'aguerrit. Elle sera l'une des plus en vue du débarquement en Normandie. Et lui, l'homme au cigare qui croise Alfred Hitchcock à Londres lors d'une permission, va devenir l'un des trop nombreux canon fodder. Car le 6 juin 1944, c'est bel et bien à Omaha Beach qu'il débarque. Il y gagnera la légende. L'intrépide soldat qui parcourt la plage de long en large sous les balles allemandes pour prévenir le colonel Taylor de l'ouverture d'une brèche. Ce même général qui dira alors : "Il y a ici deux types de soldats, ceux qui sont morts et ceux qui vont mourir" avant de s'élancer vers la sortie. Cette sombre période d'un gâchis héroïque, Samuel Fuller la dépeint avec une énorme force romanesque. Il ira jusqu'au charniers de Falkenau, de plus en plus horrifié par une guerre qu'il refusera de montrer sous un jour hollywoodien. Sa vision de la guerre, il la montrera dans J'ai vécu l'enfer de Corée (1950).

Les années suivant la guerre seront celles du retour au civil. Samuel Fuller multiplie les cauchemars et les projets. Au regard de son talent, il ne réalise que peu de films. L'homme qui se met en scène dans son autobiographie est quand même plus imbu de lui. Il considère des années après ses films comme aboutis, ses projets avortés à cause de producteurs effarouchés comme une perte pour son cinéma. Il s'étonne cependant que Truffaut et Godart en France dans les Cahiers du Cinéma s'enthousiasment pour ses films. Paradoxe ou fausse modestie ? Et puis s'y ajoute la petite touche parisienne sur la fin de sa vie avec son second mariage qui l'enchante et la naissance de sa fille, qui devient alors tout pour lui.

Au final, une autobiographie qui se lit tel un roman, avec des souffles romanesques et épiques, des moments de flottements, un langage parfois châtié et un final implosif, le tout richement illustré avec en fin de volumes un appareil complet sur les travaux de Samuel Fuller. Un must pour celles et ceux qui admirent ses films, un bon point de départ pour les autres, avant de se plonger dans Shock Corridor ou Quarante tueurs.

Citation

J'ai toujours été très méfiant à l'égard de n'importe quel connard, qu'il s'appelle Adolphe ou Aristote, qui déclare que Dieu est de son côté, que certaines races sont supérieures aux autres, ou que les gens doivent être opprimés ou endoctrinés pour le bien de la société.

Rédacteur: Julien Védrenne lundi 05 décembre 2011
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