Un monde tortionnaire - Rapport ACAT-France 2011

Mon frère n'avait pas mérité ça. L'injustice l'étranglait, il en avait les veines qui s'asphyxiaient. Il allait crever derrière la haie, seul. Et avec la chance qu'il avait, on allait faire les cons avec son cadavre.
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Essai - Noir

Un monde tortionnaire - Rapport ACAT-France 2011

Géopolitique - Disparition - Prison MAJ mercredi 29 février 2012

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 0 €

Collectif
ACAT, décembre 2011
382 p. ; illustrations en couleur ; 25 x 17 cm
ISBN 978-2-9538051-1-6

De la torture comme art de gouverner

En 1995, François Walter, président d'ACAT-France, lança un cri alarmiste : "Il faut radicaliser le refus de la torture." Seize ans plus tard, sur 194 états que compte le monde, plus d'une centaine pratiquait encore la torture... Lybie, Sénégal, Iran, Chine, certes, mais aussi la prétendue Tunisie fréquentable de Ben Ali, la Syrie de 2008 et les États-Unis...

Le rapport de l'ONG chrétienne ACAT 2011 (Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture) dresse ainsi un portrait terrifiant de l'état de la torture dans le monde, sous couvert du silence coupable des démocraties qui, comme la nôtre, acceptent fort bien de vivre dans un monde tortionnaire.
Dans plus d'une centaine de pays donc, la torture est érigée en stratégie de gouvernement, véritable instrument de pouvoir politique. C'est dire que ceux qu'on livre généralement à la torture sont ceux qui apparaissent comme des opposants résolus : syndicalistes, avocats et, nouveauté, blogueurs. Bien sûr, outre cette résistance politique, minorités ethniques et/ou religieuses ne sont pas épargnées. Mais même dans ce cadre de stratégie de la terreur, ce qui reste visé est en tout point constant : l'appropriation économique et la neutralisation de la protestation sociale.
Plus inquiétant, l'étude de l'ACAT laisse apparaître une banalisation de la torture sous la pression d'opinions publiques de plus en plus tolérantes à l'égard de ce qui n'apparaît à leurs yeux qu'être une méthode policière de maintien de l'ordre tout juste un peu musclée... Il semble en effet que se fasse jour, en Europe tout comme aux États-Unis, le désir d'une logique punitive dans le traitement de la délinquance, les brutalités policières apparaissant comme une punition nécessaire à l'ordre du monde. Dans la droite ligne de cette logique, le traitement des condamnés à mort au Japon par exemple, qui peuvent vivre des années dans l'angoisse quotidienne de leur exécution : l'opinion, soigneusement informée par les médias, n'y voit que le bienfait d'une sanction méritée, transformée en punition quotidienne - une vraie jouissance...
Au passage, l'ACAT en profite pour rappeler qu'après 1945, de très nombreuses démocraties avancées du monde occidental ont continué de pratiquer la torture sur une vaste échelle. À commencer par la France, en Algérie, qui sut bâtir un vaste système tortionnaire, si efficace qu'elle finit par l'exporter dans le monde entier, les autres États lui enviant ce savoir-faire, la french touch, à n'en pas douter...
D'autres lui emboîtèrent le pas à moindre échelle, comme l'Espagne, le Portugal, Israël ou le Royaume-Uni, voire le Japon, l'Allemagne et bien sûr les États-Unis, qui n'ont cessé de pratiquer la torture jusqu'à nos jours. La France d'aujourd'hui, quant à elle, semble avoir franchisé la torture, la déléguant aux pays où elle renvoie ses demandeurs d'asile, en toute connaissance de cause.
Et dans nos démocraties, comme dans les pays ouvertement tortionnaires, l'impunité des bourreaux reste la règle dominante. Les fiches fournies par l'ACAT sont de ce point de vue édifiante : du Mozambique au Royaume-Uni, les États font toujours tout leur possible pour soustraire les responsables à la Justice. Partout les bourreaux savent qu'ils seront protégés par leur administration de tutelle : l'appareil d'État tend toujours à protéger ses tortionnaires, qu'il soit celui d'un État autoritaire ou démocratique...
On observe ainsi les mêmes dénégations dans les pays démocratiques, la même apposition du secret Défense, la même absence d'enquête, les mêmes invocations de l'honneur de l'armée ou de la police, et les mêmes lois d'amnistie. La Guerre d'Algérie n'a donné lieu à aucun procès contre les auteurs de tortures, les États-Unis n'ont châtié que quelques lampistes.

En définitive, ce que l'ACAT observe, c'est que les bourreaux agissent avec d'autant plus de zèle que la morale publique les y autorise. Le terreau le plus favorable est alors celui-là même qui se construit en France aujourd'hui. Rappelons qu'en 2000, un sondage révélait qu'un Français sur quatre était favorable à la pratique de la torture. Dans ce même pays, la persistance de la maltraitance des enfants, des violences contre les femmes, des violences contre les musulmans, agressions dont les statistiques explosent, contre les Rroms, le racisme légal, la stigmatisation des minorités, sont clairement analysés comme propices à l'acceptation publique de l'emploi de la torture. Et si naguère l'accent était mis sur la responsabilité individuelle des tortionnaires, on sait aujourd'hui qu'il faut chercher dans l'attitude de l'État le facteur déterminant. Ainsi, il existe une corrélation très nette entre les atteintes, même déguisées, aux droits fondamentaux et l'acceptation de la torture. Les chaînes de violations qui aboutissent à la stigmatisation de populations cibles (rroms, musulmans), travaillent puissamment à la banalisation des violences iniques. Si bien qu'aux yeux des analystes de l'ACAT, les mécanismes fondamentaux de prévention de la torture sont d'abord le respect des droits économiques, sociaux, culturels et politiques. Quand ces verrous sautent, tout devient possible en matière d'horreur...

NdR. Le rapport d'ACAT-France peut être découvert en son intégralité interactive sur unmondetortionnaire.com

Citation

Il faut radicaliser le refus de la torture.

Rédacteur: Joël Jégouzo mardi 28 février 2012
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