Paris-Brest

Que ceux qui s'inquiètent pour l'avenir de notre planète se rassurent. Malgré les mauvais traitements que lui infligent les hommes, elle a désormais de très bonnes chances de leur survivre, puisqu'ils sont probablement condamnés à mourir de faim et de soif dans un bien plus proche avenir.
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Roman - Insolite

Paris-Brest

Social MAJ samedi 28 mars 2009

Chronique

Paris-Brest fait partie de ces romans que l'on se prend à lire d'une traite à voix haute, tant leur style est jubilatoire. Et au fil des mots du narrateur, et au fur et à mesure que les personnages s'installent dans ses mots, tout l'art de Tanguy Viel se ressent, littéralement, dans cette savoureuse mise en bouche. Brest, une ville "un peu blanche", un peu "plate", où l'on n'a "rien réinventé du tout, seulement empilé des pierres sur des ruines enfouies". Mais que serait Brest sans son Cercle Marin, lequel rassemble tout ce que la ville a de plus royaliste, où tout le monde a un marin dans sa famille, la même coiffure, les mêmes (nombreux) enfants qui ont, eux, le même cul "toujours un peu en arrière" ? Sur cette toile de fond pour le moins rance et décatie va se jouer un étonnant roman familial.
Dans la famille "Paris-Brest", le casting est plutôt gratiné : une grand-mère qui passe un pacte avec un millionnaire veuf et esseulé pour hériter de dix-huit millions ; un petit-fils, le narrateur, qui s'acoquine avec le fils de la femme de ménage de cette même grand-mère ; un père, ancien président du stade brestois, qui doit s'exiler dans le Languedoc-Roussillon parce que quatorze millions "ont disparu" des caisses ; une mère hystérique qui "pourrit tout sur son passage", qui ne supporte pas que son fils fréquente celui d'une femme de ménage, et encore moins de vendre des briquets estampillés Palavas-les-Flots.

Si l'intrigue a l'air décousu comme cela, il n'en est rien en vérité. La narration de Louis, le petit-fils, incomparable lorsqu'elle mêle plusieurs voix, plusieurs styles de discours avec un second degré constant a une force liante incroyable. Les histoires de chacun sont englobées en une coulée d'oralité reconstructrice parfaitement maîtrisée.
Dans ce roman policier, le cambriolage sera raconté par son auteur, la grand-mère sera enterrée deux fois, les parents reviendront sur les lieux du crime, la confession sera entre le roman familial à la française et le roman à l'anglaise... et la police sera "gentille avec tout le monde".
Dans ce roman, le narrateur nous raconte l'écriture de son roman familial. Celui que redoute tant sa mère, celui qui le rend assez fort pour affronter la tempête familiale des retrouvailles de Noël. Celui qui le rendra assez fort pour quitter Brest, sans retour cette fois. On aurait pu s'attendre au pire avec ces histoires de famille et la mise en abyme placée au cœur de l'intrigue. Mais Tanguy Viel éclate les schémas traditionnels pour nous offrir un livre court, dense, tout à fait inclassable, tout en flux et reflux, comme autant de départs et de retour pour mieux épouser les hésitations et les tâtonnements de la création. On ne saurait donc trop vous conseiller de vous octroyer un petit moment pour ce trajet Brest – Paris – Brest, entre course à l'héritage, règlements de compte et construction de soi.

Citation

Je m'étais toujours promis ça dans ma vie, de ne pas commencer une nouvelle année en famille, parce que j'ai toujours accordé beaucoup d'importance au premier jour de l'année, trop certain que basculer dans une nouvelle année en famille m'empêcherait de vivre sereinement les douze mois à venir […].

Rédacteur: Estelle Durand mercredi 25 mars 2009
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