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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais par Jacques Martinache
Paris : Presses de la Cité, octobre 2013
424 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-258-09238-9
Coll. "Sang d'encre"
Surveillante fantôme et poupées de chiffons
Mo Hayder excelle dans l'art de savoir faire grimper la tension, jusqu'au moment où elle fait tout basculer pour nous entraîner dans une autre réalité, celle dans laquelle elle laisse ses monstres s'échapper pour prendre le dessus. Au fil des pages, elle nous détourne de la réalité pour nous plonger dans cet univers tendu où le bizarre prend le dessus. L'irréel prend le pouvoir sur le monde concret, et l'absurde devient petit à petit comme une évidence qui serait la seule vérité possible.
Beechway est un établissement psychiatrique classé haute sécurité. Le bâtiment, malgré une récente mais relative modernisation du site, reste des plus austères comme si les murs avaient fini par s'imprégner des problèmes mentaux des patients. L'atmosphère, déjà très particulière du lieu, est en train de virer au cauchemar depuis quelques temps. Plusieurs patients semblent sujets à la même hallucination. Il est cependant difficile d'arriver à démêler le vrai du faux dans les discours désordonnés de ces patients. Leur paranoïa galopante pousse plusieurs d'entre eux à s'automutiler. Les sévices violents affligés à leurs propres corps ne font pas qu'augmenter la tension. La rumeur se répand, la Maude serait de retour. Elle apparaitrait dans certaines chambres, venant hanter ces esprits déjà perturbés, leur murmurant à l'oreille des discours les poussant à bout. La Maude, c'est un peu comme le monstre du placard pour certains enfants. Elle surgit dans les chambres isolées quand les patients se retrouvent seuls entre leurs quatre murs. Ses visites sèment l'effroi auprès des malades, les rumeurs vont bon train, s'amplifiant même à chaque détour de couloir. C'est la version pour adulte du croque-mitaine mais avec option spéciale "désaxés".
La légende de la Maude remonte à l'époque où Beechway n'était pas encore un hôpital psychiatrique mais une maison de redressement. On ne s'amusait pas avec la discipline pour faire régner l'ordre. Les surveillants n'avaient pas grand-chose d'humain, la discipline n'était pas un vain mot. Leur domination était empreinte d'un sadisme exacerbé exercé à longueur de temps sur les pensionnaires. C'est à cette période que la légende de la Maude est née. La terrible réputation de la gardienne n'était plus à faire. Depuis, celle qu'on craignait comme surveillante serait devenue un fantôme continuant encore de nos jours à terroriser les résidents de Beechway.
AJ vient d'être récemment promu coordinateur du service. Il sent que, même au sein de l'équipe médicale, l'ambiance se dégrade très vite. La tension est également plus que palpable et le signe avant-coureur de futurs gros problèmes est la montée de l'absentéisme. Les arrêts maladie se multiplient parmi les membres. Ils ne veulent plus travailler dans cette partie du bâtiment et surtout assurer le service de nuit, le moment où le monde des ombres prend le dessus pour recouvrir chambres et couloirs d'une chape d'obscurité terrifiante. La directrice semble un peu réticente à regarder en face l'ampleur du problème et surtout à vouloir le régler. C'est pourquoi AJ va se décider à contacter Le commissaire Jack Caffery. Il souhaite lui faire part de ses soupçons concernant un de leurs patients, Isaac Handel. AJ pense que cet homme a l'esprit suffisamment tordu mais surtout manipulateur pour être à l'origine de la psychose qui s'est répandue comme une trainée de poudre parmi les malades. Mais Si Caffery estime qu'AJ a vu juste, il va devoir être sur ses gardes et agir rapidement car Handel vient de quitter l'établissement et se retrouve dans la nature. L'inquiétude va se renforcer quand une collection de poupées est découverte volontairement dissimulée dans un recoin d'un placard de l'ancienne chambre de Handel. Réalisées par ses mains, elles n'ont rien de jouets pour gentilles petites filles. Ce sont comme des représentations de personnes réelles confectionnées avec des bouts de rien et de tout, mais avec son regard de détraqué. Le résultat pourrait paraître simplement grotesque s'il n'était pas terrifiant. Ce sont peut-être toutes les personnes que Handel avait dans sa ligne de mire qu'il a représentés pour mieux matérialiser sa colère.
Caffery enquête en même temps sur un autre cas, la disparition d'une jeune fille. L'affaire s'éternise semblant montrer étrangement l'incompétence du policier. La mère de la disparue en est persuadée, elle qui décharge régulièrement sa colère sur lui. Pour réussir à faire face à la situation, elle a trouvé refuge dans l'alcool mais ça ne fait pas particulièrement bon ménage avec des nerfs à vif. Mais Caffery ne semble pas à l'aise sur ce dossier, comme si il attendait un moment opportun pour faire quelque chose.
En tout cas la campagne anglaise ne va pas rester le havre de quiétude et de douceur de vivre tant idéalisées. La tension va quitter les hauts murs de Beechway pour se terrer derrière les vieux arbres des bosquets de la région. Un monstre pourrait bien avoir dupé tout le monde et se planquer avant de s'attaquer à une prochaine victime. Sauf si quelqu'un comprend ce que peuvent vraiment renfermer ces caricatures de chiffons, et que l'esprit tordu se cache peut-être ailleurs.
Mo Hayder sait faire monter la tension et nous entraîne là où elle sait que les frissons seront au rendez-vous. Et avec Fétiches c'est mission accomplie pour l'Anglaise. Elle semble prendre plaisir à jouer avec les peurs les plus profondes et infantiles. Elle trouve toujours un affreux cauchemar à rendre réel pour mieux se jouer de la réalité. Elle aime construire une ambiance particulière dans laquelle elle mélange un savoureux cocktail de peur et de violence. Et encore une fois le mélange est bien dosé, Fétiches captive et fait frémir à chaque pas mais avec l'envie d'être encore plus effrayé au suivant.
Citation
Elle est trop malheureuse elle-même pour se soucier de nous. On voit les souffrances des autres seulement quand on souffre pas soi-même. Se soucier des autres ? C'est un luxe, si tu veux la vérité.