Face à la nuit

Quand on pense à tous les ennemis que les colons ont l'habitude d'affronter, qu'il s'agisse de bêtes sauvages ou des sauvages tout court, c'est horrible de savoir que votre pire ennemi se trouve parmi vous, qu'il a le visage de ces gens sur qui vous comptiez autrefois pour vous aider à vaincre l'adversité.
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vendredi 29 mars

Contenu

Roman - Policier

Face à la nuit

Assassinat - Immigration clandestine - Trafic MAJ mardi 08 juillet 2014

Note accordée au livre: 3 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 21,5 €

Peter Robinson
Watching the Dark - 2012
Traduit de l'anglais (Canada) par Marina Boraso
Paris : Albin Michel, février 2014
432 p. ; 22 x 15 cm
ISBN 978-2-226-25442-9
Coll. "Spécial suspense"
Les Enquêtes de l'inspecteur Banks, 20

Ce qu'il faut savoir sur la série

Las de la vie londonienne, l'inspecteur Alan Banks a demandé sa mutation à Eastvale, dans le Yorkshire. Marié à Sandra, il est père de deux adolescents, Brian et Tracy. Très intuitif, il n'hésite pas à braver la procédure pour mener ses enquêtes. Grand amateur de whisky de qualité, il aime aussi la bière "du cru". Mélomane, il goûte autant le classique que le pop-rock de sa jeunesse. Sa situation familiale évolue au fil de la série (il va divorcer, ses enfants vont quitter le bercail - Tracy ira à l'université, Brian intégrera un groupe de rock - et lui connaîtra diverses liaisons épisodiques...) D'un roman à l'autre, il incline de plus en plus à s'abandonner aux souvenirs et à la nostalgie...
Côté professionnel, il gagnera le galon d'inspecteur-chef; à ses côtés, on suit quelques-uns de ses collègues, personnages récurrents qui eux aussi évoluent - par exemple le superintendant Gristhorpe, avec qui il entretient une certaine amitié, partira à la retraite...

Gris baltique

Pour avoir vu paraître, en mai 2013, Le Silence de Grace où l'inspecteur Banks n'intervient pas je m'étais demandé si par hasard, au terme des rudes épreuves qu'il avait affrontées dans Bad Boy il n'avait pas été subrepticement escamoté par un auteur qui, au bout de dix-neuf affaires et ne voyant plus comment poursuivre avec son personnage quelque aventure commune qui pût encore sinon (le) surprendre du moins (le) tenir en intérêt, aurait décidé, plutôt que de le tuer ou de l'envoyer banalement à "une retraite bien méritée", de la police comme de la littérature, de le laisser vivre hors champ avec ses dévastations, tout occupé à tâcher de recoller les morceaux loin des lecteurs qui, de leur côté, seraient ainsi invités à scénariser eux-mêmes la fin de leur héros. Mais non : une fois de plus Alan Banks a encaissé les coups et affronte une vingtième enquête – celle-là parue en février dernier. Et une rapide visite sur le site de Peter Robinson m'a appris qu'une vingt et unième suivait, intitulée Children of the Revolution qu'on lira sans doute en français en 2015.

Si, éditorialement parlant, un blanc d'importance sépare Bad Boy de Face à la nuit, la distance narrative est, elle, assez faible – quelques mois à peine, juste le temps nécessaire à Annie Cabbot de se remettre de ses blessures, de suivre un lourd programme de rééducation et d'arriver, au seuil de cette affaire, fin prête à reprendre sa place au sein de la Brigade criminelle d'Eastvale. C'est d'ailleurs par là que se fait le lien entre les deux romans : la scène de crime qui ouvre le récit est à St. Peter, le centre de soins réservé aux policiers où Annie avait séjourné durant sa convalescence. La victime est un pensionnaire du centre, un certain Bill Quinn que connaissait vaguement Alan Banks – mais sans avoir jamais travaillé avec lui –, trouvé mort aux petites heures du matin le corps transpercé par un carreau d'arbalète. Les premières investigations orientent les enquêteurs sur la piste d'une probable histoire de corruption et de chantage : ils ont mis la main sur un lot de photos compromettantes où l'on voit l'inspecteur Quinn, marié et père de famille, pris sous le charme d'une délicieuse créature, manifestement très jeune, peut-être mineure. En regardant du côté des dossiers dont il était chargé, Banks découvre, en outre, qu'il était hanté par une vieille affaire non résolue vieille de six ans réapparaissant dans les médias de temps à autre – l'affaire Rachel Hewitt, une jeune fille de dix-neuf ans disparue à Tallinn tandis qu'elle y passait quelques jours pour faire la fête avec deux amies dont l'une était sur le point de se marier. Au cours d'une soirée copieusement arrosée, Rachel s'était séparée de ses compagnes et, dès lors, personne n'avait plus rien su d'elle. Pas de corps, pas de nouvelles – et, bien sûr, pas de retour non plus...
En remontant à la source du dernier contact téléphonique de Quinn, Banks parvient à une cabine perdue dans un village isolé et, de là, à une vieille ferme abandonnée. Au milieu de sordides vestiges attestant d'une occupation humaine récente, un cadavre portant des séquelles de torture... C'est le corps du mystérieux correspondant de Bill Quinn. De points en points assez subtilement mis en place, l'intrigue se noue et se complexifie au fur et à mesure que les éclaircissements surgissent, lesquels finissent par mener Alan Banks à Tallinn flanqué d'une coéquipière imposée dès le début de l'enquête par sa hiérarchie, la blonde et glaciale Joanna Passero – car un policier assassiné autour de qui planent les effluves de la corruption amène, fatalement, la police des polices à se mêler des recherches et des procédures, service incarné ici, justement, par Joanna que Banks apprécie peu.

En termes de construction, et de rythme, cette vingtième enquête n'a rien à envier aux précédentes et l'on retrouve tous les éléments qui fondent l'attrait des romans de la série : une certaine lenteur de narration, de nombreuses pauses descriptives – de paysages, de personnes, de souvenirs aussi –, peu de rebondissements, pas de révélations fracassantes mais de longs et patients cheminements de pensée et de réflexion, pas d'indices surgissant avec éclat mais de petites découvertes qui, de bribes en bribes, permettent de reconstituer pièce à pièce un puzzle. Il n'empêche : je me suis d'abord beaucoup ennuyée ; le démarrage du récit m'a paru assez laborieux, à cause notamment des dialogues qui patinent : parfois les répliques semblent ne pas se répondre, une même question est posée plusieurs fois à peine reformulée comme si les interlocuteurs ne parvenaient pas à se dépêtrer de la conversation dans laquelle ils sont engagés et sans que leur état émotionnel puisse expliquer pareil embourbement. Mais je ne dois pas oublier que j'ai lu une traduction et qu'il y a peut-être des nuances dans les dialogues anglais que n'a pas rendues la traductrice.
Restent des ficelles un peu trop visibles qui m'ont passablement agacée : par exemple le "déplacement" du récit à Tallinn à l'exacte moitié de son déploiement, et par-dessus tout l'évolution de la relation entre Banks et Passero, cette dernière évidemment belle mais blonde-glaciale-élégante et psycho-rigide, donc antipathique et forcément objet d'incessantes piques de la part d'un Banks peu amène. Comme de bien entendu, la blonde glaciale va s'avérer fragile, ses failles révélées par la perspective d'un prochain divorce. Et comme si cela ne suffisait pas au cliché selon lequel l'hostilité sourde entre deux enquêteurs de sexe opposé se résout finalement en une attirance mutuelle, voilà qu'elle avoue à l'inspecteur Banks avoir la ferme intention de postuler à la Brigade criminelle au terme de cette enquête ! Pour moi, c'est un coup de téléphone bien sonné annonçant de futures retrouvailles, probablement assorties d'une histoire sentimentale. Cependant, nul n'ignore que ce ne sont jamais les choses prévues qui adviennent, aussi y a-t-il fort à parier que les prochains romans démentiront ces supputations. Prochains romans que je lirai très certainement : une addiction s'est installée, qui m'attache à cette série quoi que je pense des qualités particulières de chaque "enquête"...

Citation

La perspective de s'attarder dans ce salon encombré de mièvres babioles en compagnie d'une vieille dame trop bavarde était aussi tentante qu'un coup de poing dans la figure.

Rédacteur: Isabelle Roche samedi 05 juillet 2014
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