Le Chemin s'arrêtera là

Ben a la conviction que répondre à la violence par la violence ne génère que plus de violence alors que Chon croit fermement que répondre à la violence par la non-violence ne génère que plus de violence, avec, pour preuve à l'appui, toute l'histoire de l'humanité.
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Roman - Noir

Le Chemin s'arrêtera là

Économique - Social - Huis-clos MAJ mardi 09 juin 2015

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 18 €

Pascal Dessaint
Paris : Rivages, février 2015
222 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-2971-7
Coll. "Thriller"

Ces chemins qui ne mènent nulle part

Ce n'est pas forcément la métaphore qui joue sur le titre de ce nouveau roman de Pascal Dessaint car le chemin est avant tout une donnée géographique. Si le chemin s'arrête c'est parce que l'on arrive au bout de la route, lorsque la mer rejoint la terre. Géographique aussi puisque l'écrivain décrit avec soin le no man's land, finalement peuplé, qui sépare l'étendue d'eau et la ville, lorsqu'il ne reste que quelques digues, des terres polluées que recouvrent un peu de sable. La géographie est là, aussi, dans les détails d'une vie brisée, d'une civilisation mourante, d'une société déchirée : centres commerciaux sales, arrêts de bus perdus au milieu de nulle part, bunkers de bords de plage, camping-cars échoués qui servent de domicile. Le Chemin s'arrêtera là, c'est aussi de manière plus imagée, la façon dont Pascal Dessaint décrit, de manière sensible, sans cacher les mauvais côtés, ces êtres déclassés qui, eux aussi, ont été mis à l'écart de la "vraie vie", de la consommation. Il y a ceux qui vivent sur la plage ou dans les dunes, qui essaient de pêcher pour améliorer l'ordinaire, qui galèrent avec une mobylette et une remorque, et ceux qui sont juste de passage, pour un dimanche, un bronzage ou un pique-nique. Pascal Dessaint s'intéresse à quelques personnages qui vivent là, échoués, de petits boulots, de petites arnaques. Ils n'ont pas de culture, surnagent comme ils peuvent, s'expliquent avec les poings ou des tenailles lorsqu'ils n'ont plus de mots et s'arrangent avec la vie comme elle vient. C'est ainsi que quand sa fille tue à coups de fer à repasser sa maîtresse, l'homme ne se plaint pas, cache le cadavre et couche avec sa fille pour compenser.
L'auteur tisse ainsi, autour de quelques personnages, une trame lâche et dense à la fois. Lâche parce qu'elle passe d'un acteur à l'autre et dense parce qu'elle les reconstitue dans toute leur densité d'hommes (y compris ceux qui ne seront que des silhouettes comme un patron de magasin). Nous sommes dans une version moderne que n'aurait pas renié Louis-Ferdinand Céline, là où la grandeur possible et l'abjection se côtoient, où la crise économique a détruit les solidarités, où certains vivent au jour le jour, comme des animaux, parce que personne ne leur a laissé d'autre choix, sans conscience ni remords, mais parce qu'ils ont profité de l'occasion. Ils sont fragiles mais deviennent féroces en en croisant d'autres encore plus fragiles. Tout le travail de Pascal Dessaint est d'éloigner les horreurs pour les rendre encore plus fortes et plus présentes, pour qu'elles imprègnent encore plus l'imaginaire du lecteur. C'est ainsi que le roman déroule les trajectoires noires d'un homme torturé, et d'une femme qui vient de se faire violer et qui court sur la route et se fait écraser par un poids lourd (comme les secrets qui couvent ici et là). Mais il n'y a chez Pascal Dessaint aucune volonté de noircir ou de donner à voir une humanité dépravée, une sous-population. Il dépeint juste des gens pour lesquels le chemin de la vie normale s'est arrêté là et qui ont bien dû continuer à avancer sans boussoles, panneaux ou GPS, et qui ont inventé, tant bien que mal, leur survie. Des hommes et des femmes qui tentent de pêcher dans des eaux que même les poissons ont déserté. Il y a malgré tout dans ces moments désespérés des éléments d'espoir : un jeune couple qui pourrait s'aimer, une jeune fille qui veut travailler même dans des emplois peu qualifiés, un homme qui s'échine à crépir sa maison même si son crépi disparaît régulièrement. Il y a, en fait, la vie, la vie rude, cruelle, et cette volonté continue de perdurer, ce dur désir de durer.

Citation

Ils ne voyaient que le bon côté de ma vie. C'est bien de ne pas regarder sous la lunette des chiottes, là où il reste toujours un peu de merde.

Rédacteur: Laurent Greusard mardi 09 juin 2015
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