Chasseurs de têtes

Les 'deux sœurs' ne s'aiment pas, mais rien ne saurait les séparer. Chacune représente pour l'autre le repère unique, le dernier bastion face au vide qui menace à tout instant de les aspirer. Si elles n'étaient pas si bêtes et mesquines, on pourrait les prendre en pitié.
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Roman - Thriller

Chasseurs de têtes

Braquage/Cambriolage - Vengeance - Artistique MAJ mercredi 30 décembre 2015

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 7,5 €

Jo Nesbø
Hodejegerne - 2008
Traduit du norvégien par Alex Fouillet
Paris : Folio, octobre 2015
320 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-07-046636-8
Coll. "Policier", 608

Vrai et usage de faux

Le roman est narré à la première personne par un chasseur de tête nommé Roger Brown et ne fait pas intervenir, cette fois, Harry Hole, le personnage favori de Jo Nesbø. Il s'ouvre sur un bref prologue décrivant (de l'intérieur) un accident de voiture et se divise ensuite en cinq parties. Cela commence par un entretien de recrutement mené selon des règles de l'art que nous explique très consciencieusement Brown lui-même, en soulignant à plaisir tout ce que son univers a de snob et de frelaté. Il nous explique aussi que Diana, sa femme, ayant de gros besoins financiers, ces entretiens visent en fait à lui procurer les informations nécessaires à de juteux cambriolages qu'il met au point avec la complicité d'un employé d'une entreprise de sécurité. Il vise particulièrement des tableaux de maîtres qu'il remplace temporairement par des photocopies perfectionnées, le temps d'écouler les originaux auprès d'un receleur. Tout marche bien jusqu'à ce qu'il tombe sur un certain Clas Greve, chez qui il découvre que... sa femme le trompe avec sa victime. Mais ce n'est que le début d'une longue série d'événements rocambolesques. Il se retrouve alors avec le cadavre de son complice sur les bras. Puis il prend un bain d'excréments, au sens très littéral du terme (ce qui nous vaut un morceau de bravoure de plusieurs pages), prend la fuite à bord d'un tracteur et se voit accuser (sous un nom qui n'est pas le sien) du meurtre de quelqu'un qu'il connait à peine. Puis le jeu de cache-cache avec la mort se perfectionne encore : Brown maquille un cadavre de policier pour faire croire que c'est lui qui est mort, rentre chez lui clandestinement pour tuer la femme infidèle et réussit encore à faire croire que Greve a été tué par son ancien complice à lui (pourtant déjà mort !). Et au passage, il bat le record du nombre de victimes en un temps très réduit. Finalement, l'auteur se paie encore le luxe d'une élucidation très solennelle – et totalement fausse, bien entendu – de l'affaire au cours d'un journal télévisé. Puis une dernière pirouette pour la route. Le vrai récit de faux meurtres est-il vrai ou faux ? Grave question ! Sans compter ces originaux de tableaux qui sont des faux. C'est de la haute voltige d'imagination, qui n'exclut pourtant pas des aspects plus sérieux, au premier rang desquels le refus de la paternité.
Très honnêtement, le roman vaut moins par une intrigue policière plus tarabiscotée que nature que par l'ambiance farfelue à la San-Antonio. D'autant que le style est à l'avenant : parodiquement goguenard et percutant, et que le rythme est endiablé. Jo Nesbø aime jouer avec son lecteur, qu'il sait qu'il mène par le bout du nez, et il ne s'en prive pas, une fois de plus. On ne s'ennuie pas une minute à la lecture de ce livre pas très long au regard de certains pavés, et contrairement à ce qui se passe avec beaucoup d'autres auteurs de policiers actuels, qui sont d'un sérieux parfois pénible. Sans compter qu'on apprend quelque chose d'utile : une couche d'excréments rend les GPS inopérants. À une époque où Big Brother nous traque jusque dans les toilettes, justement, ce n'est pas sans intérêt.

Citation

Si je ne me trompais pas, j'étais plus dans la panade que j'avais jamais été en mesure de l'imaginer.

Rédacteur: Philippe Bouquet mercredi 30 décembre 2015
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