Ce monde disparu

Les gens étaient morts, ou bien avaient quitté la ville, ou encore se muraient dans un retentissement amer quand on venait leur demander une fois de plus de revisiter le pire moment de leur vie.
Jonathan Kellerman & Jesse Kellerman - Le Golem d'Hollywood
Couverture du livre coup de coeur

Coup de coeur

Éclipse totale
Harry Hole a été exclus de la police, ce qui ne l'empêche pas de couler des jours heureux, bouteille ...
... En savoir plus

Identifiez-vous

Inscription
Mot de passe perdu ?

vendredi 29 mars

Contenu

Roman - Noir

Ce monde disparu

Tueur à gages - Vengeance - Mafia - Gang MAJ lundi 25 janvier 2016

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 21 €

Dennis Lehane
World Gone By - 2015
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Isabelle Maillet
Paris : Rivages, octobre 2015
348 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-3406-3
Coll. "Thriller"

À la recherche du temps disparu

Joe Coughlin a fait un temps partie des dirigeants de la mafia mais, atteint de mélancolie, amoureux et désireux de voir grandir son fils, il a préféré ne pas s'accrocher au pouvoir de manière trop visible. Devenu conseiller de Dion Bartolo, le nouveau chef de la mafia de Floride, il savoure une vie plus calme. Aussi est-il très surpris lorsqu'il reçoit l'appel d'un gardien de prison. En échange de son aide, celui-ci lui révèle qu'un contrat a été mis sur sa tête et qu'il sera tué le mercredi des cendres. Qui peut bien vouloir assassiner un quasi-retraité ? C'est surtout l'occasion pour Dennis Lehane de nous présenter, au milieu du conflit mondial, en 1943, un univers en train de basculer. Même si, sans doute, les premiers gangsters n'étaient pas aussi férus d'honneur et de chevalerie que ce que certains commentateurs en ont dit après, l'on sent chez Joe Coughlin une nostalgie d'un temps plus heureux où des valeurs étaient respectées. D'ailleurs, au cœur de Ce monde disparu, l'une des rares scènes de violence met le fils de Joe à l'intérieur d'une fusillade. Un Joe qui riposte et qui tue des membres d'un autre gang. Mais dans la réunion des "chefs" mafieux qui suit, tout le monde est d'accord pour "disculper" Joe d'avoir abattu des autres soldats du crime organisé : la vie de son fils était en jeu !
Derrière cette vision d'un monde d'honneur qui disparaît, avec l'horreur industrielle qui est en train de ravager l'Europe, nous voyons déjà les fils de la chute programmée : amis qui trahissent, jeunes voyous aux dents longues, gangs ethniques qui s'affrontent en s'appuyant sur les pouvoirs en place - il y a à côté de Joe un parrain noir qui doit affronter l'un de ses anciens lieutenants et qui aurait mérité lui aussi d'être au cœur d'un roman -, traîtres à l'intérieur même des gangs, liens douteux avec la politique locale. Face à cette vie rude (pour les lecteurs qui n'hésitent pas à piocher dans un livre, nous conseillons le chapitre 13 qui retrace l'un des épisodes descriptifs les plus glaceants qui soient sur la peur sournoise, sur l'angoisse qui se saisit de quelqu'un au milieu d'un marigot : Joe Coughlin est convoqué chez l'un des parrains particulièrement redoutables, et il doit discuter avec lui, ne sachant pas s'il sortira vivant de cette discussion, une rencontre de première force avec le mal reptilien, feutré et sauvage).
En opposition à cette violence omniprésente, et qui éclate comme des flashs au milieu de la nuit, le roman s'attarde sur une sorte de semi-retraite dorée. Joe Coughlin sent qu'il est au bord d'une vie calme et sereine, qu'il peut retrouver l'amour, regarder grandir son fils, se retirer des affaires et jouir de ses rentes en sirotant des cocktails, mais le monde le rattrape, les alliances changent, de nouveaux rapaces le cernent. Cette bascule entre un univers feutré, une douceur et une nostalgie consacre avec les ambiances brûlantes et moites (un bateau peuplé de mafieux qui regardent dériver les crocodiles, une prison pour femmes, des rencontres avec une femme mariée dans des hôtels...), constitue l'ambiance générale, rendue avec un style qui sait varier de la description de la violence pure à des plages plus mélancoliques, où le bonheur est possible, où le roman noir s'ouvre à de nouveaux horizons, où le héros se promène, accompagnées des fantômes de sa vie.
Mais comme l'indique le titre ce monde disparaît et, bien entendu, la trahison, la violence, le besoin du pouvoir ne peuvent tolérer cette pente naturelle vers la philosophie d'une humanité heureuse. Dennis Lehane est un grand romancier.

Citation

Ce fut une réception raffinée, en smoking et nœud papillon, par une nuit douce et sans nuages [...] Il serait alors frappé par le nombre de personnes mentionnées récemment dans la presse locale pour avoir tué, ou été tuées, qui avaient assisté à la collecte de fonds.

Rédacteur: Laurent Greusard lundi 25 janvier 2016
partager : Publier dans Facebook ! | Publier dans
MySpace ! |

Pied de page