Roman policier - fragment d'histoire

John saute à côté de la corde, enlève le lasso à la génisse pleine de boue, puis recule tandis qu'elle se redresse tant bien que mal. Soufflant par les naseaux, chiant et pissant en même temps, la vache fonce vers la pâture pendant que John, qui la regarde s'éloigner, regrette de ne pas avoir eu la même chance avec la fille morte.
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Essai - Policier

Roman policier - fragment d'histoire

MAJ samedi 14 novembre 2009

Note accordée au livre: 6 sur 5

Grand format
Réédition

Public connaisseur

Prix: 15 €

Régis Messac
Préface de Gérard Durozoi
Alice Messac (illustrateur de couverture)
Olivier Messac (notes et index)
Paris : Ex nihilo, octobre 2009
166 p. ; 19 x 14 cm
ISBN 978-2-916185-08-8

Chroniques noires et décapantes des années 1930

En nous faisant découvrir sous le titre Roman policier - fragment d'histoire, les chroniques littéraires publiées par Régis Messac entre 1930 et 1940 dans le journal Les Primaires, les éditions Ex Nihilo méritent bien leur nom.
Régis Messac que l'on ne connait plus guère aujourd'hui est sûrement le premier critique à avoir sévi dans le domaine qui est cher à k-libre. Ses jugement, qui ne sont pas l'œuvre d'un profane, son péremptoires mais non dénués de fondements. Car Régis Messac a soutenu en 1929 une longue thèse de huit cents pages intitulée Le "detective novel" et l'influence de la pensée scientifique, fruit de six années de recherche et de passion.

Ce qu'il y a d'extraordinaire dans ce recueil, outre qu'il relativise le métier que votre serviteur dans une étrange mise en abime effectue sous vos yeux embués, c'est que plus de soixante-dix années après on est en mesure de juger le jugement ou la vision d'un homme. Il y a les chefs-d'œuvre dont on parle encore et ceux qu'on a oubliés. Il y a aussi peut-être les romans qui vont ressortir justement grâce à cette réédition et celle plus tardive mais certaine de sa thèse. Alors, que nous apprend cette compilation de textes ? Tout d'abord que le critique des années 1930, dans la plus pure lignée des frères Goncourt, est beaucoup plus acerbe, dur, que celui d'aujourd'hui. "On se demande vraiment de quels gâcheurs de plâtre et de quels fumistes les éditeurs peuvent bien solliciter les conseils. Ou bien, peut-être qu'ils ne choisissent pas du tout et traduisent comme ça, au hasard, d'un caprice quelconque ou d'une indication accidentelle" écrit Régis Messac en juin 1931 au sujet d'Un meurtre au studio non sans s'être écrié au préalable qu'il y a pléthore d'excellents romans non encore traduits en France. Car le bougre était parti outre-Manche s'angliciser ! Dent dure, Régis Messac ? Meuh non ! Surtout pas quand, de manière caustique, toujours au sujet du même ouvrage il nous distille en guise de conclusion : "si vous faites un long voyage en chemin de fer, le bouquin en question peut bien vous aider à tuer le temps jusqu'à La Roche-Migennes" ponctué d'un tonitruant "C'est toujours ça".

Les chroniques, au long des 166 pages du recueil ne sont pas toutes assassines mais Régis Messac a bien souvent deux soucis primordiaux à savoir que le lecteur doit en avoir pour son argent (le prix est souvent un de ses arguments ; on en a ou pas pour son argent) et le traducteur (s'il s'agit d'un roman étranger) pour son grade.
On apprécie ses jugements sur les romans - dont certains ne sont pas traduits en France - de Dashiell Hammett dont il pressent l'importance sans pour autant pouvoir l'expliquer avec exactitude. D'ailleurs, Régis Messac le concède : "nous n'y comprenons rien. Ou pas grand'chose. Et c'est épatant" et, plus loin il regrette que "tous les personnages soient plus ou moins cinglés" même s'il admet que c'est à l'image de notre société. Et dans sa chronique consacrée à The Thin-Man (L'Introuvable en français) il dira de tous les romans de Hammett qu'ils tiennent du rye whisky car "quand on connaît la liqueur, c'est plutôt écœurant. La première fois qu'on en boit, ça gratte la gorge, ça brûle l'œsophage, et ça vous a un petit arrière-goût de seigle vert et de terreau assez original".
Régis Messac se trompe sur Simenon et ses romans noirs dont il ne pense que peu de chose (Simenon d'après lui est le Wallace belge, ne connaissant pas de tire belge, je le qualifierai donc de seconde Ford du roman policier n'hésitant pas à plagier le maître) au contraire des enquêtes de Maigret qu'il admire, en général. Une pique revient ici et là au cours des chroniques, celle portée à l'encontre du prix du roman d'aventure créé par les éditions du Masque. Prix toujours autant décrié plus de soixante-dix années après sa première remise (scandaleuse d'après Messac). Certaines chroniques sont très courtes, dans d'autres Messac s'étend. Souvent, il ne s'attarde que très peu sur l'intrigue ; mais il lui arrive de dévoiler la solution dans un texte de quatre lignes, ce qui est un peu désolant mais il l'a sûrement fait exprès ! Le style, les images, les connaissances et les compétences toujours présents laissent imaginer le talent d'un homme passionné et passionnant.

Ce livre relativise également nos lectures d'aujourd'hui, et, à moi, me montre le long chemin qu'il me reste à parcourir si je veux être qualifié de chroniqueur littéraire ! C'est aussi un ouvrage à lire pour tout éditeur de polars digne de ce nom qui souhaiterait faire remonter à la lumière des romans oubliés et autrefois dévorés...

Citation

Edgar Wallace est le Ford du roman policier. Quoique produite en série, la Ford est une bonne machine. On peut en dire autant de n'importe quel roman d'Edgar Wallace. Son modèle T. tire bien. Il vous entraîne sans heurts et sans cahots pendant quelques heures dans un monde agréable où les banquiers sont intelligents, les policiers sympathiques et les politiciens honnêtes. L'évasion du réel ne saurait être plus complète.

Rédacteur: Julien Védrenne lundi 02 novembre 2009
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