Rebecca

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jeudi 05 décembre

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Roman - Noir

Rebecca

Social - Huis-clos - Assassinat - Rural MAJ samedi 16 décembre 2017

Note accordée au livre: 6 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 8,3 €

Daphné Du Maurier
Rebecca - 1938
Traduit de l'anglais par Anouk Neuhoff
Le Livre de poche, mai 2016
632 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-253-06798-6

Mœurs et apparences

Le roman Rebecca, chef d'œuvre de Daphné Du Maurier, immortalisé par à l'écran Alfred Hitchcock, a été intégralement retraduit par les éditions Albin Michel en 2015, ce qui n'est que justice. L'histoire débute à Monaco tel un conte de fée avec la rencontre entre la narratrice sans le sou et le très récent veuf mais riche Maxim de Winter, pour se terminer dans l'Angleterre rurale des bords de mer dans l'impressionnant domaine de Manderlay et son non moins impressionnant manoir. Ce manoir est l'un des personnages principaux de l'intrigue. La nouvelle épouse de Maxim de Winter vient y déposer ses bagages et ses illusions. Car dans ce lieu anxiogène tout respire Rebecca, la précédente femme de Maxim, dotée de tous les charmes et de toutes les qualités. Et la gouvernante en place, Madame Danvers, la vénérait et la vénère encore au point de faire subir toutes les humiliations possibles à sa nouvelle maîtresse, parfois en franchissant les limites de ce qui est acceptable, mais toujours quand Maxim de Winter est absent. Mais qu'est-il advenu de Rebecca, me direz-vous ? Elle a eu le grand tort d'aller faire de la voile par mauvais temps, qui plus est de nuit, et a été victime d'un naufrage meurtrier. Seulement, un autre naufrage va faire remonter à la surface une tout autre vérité. Le roman de Daphné Du Maurier, tout en atmosphère, joue d'ailleurs à merveille sur la réalité et les apparences. Un autre portrait de Rebecca apparait progressivement aux yeux du lecteur, puis à ceux de cette narratrice anonyme (pour faire écho à la forte identité de Rebecca de Winter, qui n'est pas sans rappeler Milady de Winter, dans Les Trois mousquetaires, d'Alexandre Dumas, une femme sans scrupules marquée du seau de l'infamie et d'une fleur de lys). Rebecca n'était pas seulement cette personne qui maitrisait à merveille les codes aristocratiques et qui n'avait pas sa pareille pour donner de grandes fêtes dans le manoir de Manderley, fêtes qui fascinaient la région et auxquelles chacun rêvait d'être invité. C'était une personne à l'égoïsme monstre, certes à l'indépendance farouche et moderne pour l'époque, mais à la manipulation sournoise et pour qui tous les moyens étaient bons pour assouvir ses envies. Son portrait est ainsi lentement dépeint par la romancière alors même qu'il est tu par Maxim de Winter au nom de certaines règles de bienséance absurdes. Mais l'on est en droit de se demander si à travers elle, ce n'est pas madame Danvers - sa gouvernante depuis son plus jeune âge, qui lui a passé tous ses caprices et aveuglément a encouragé ses moindres vices -, qui est la plus coupable. Ironie de l'histoire, c'est elle qui permettra au jeune couple de pouvoir faire table rase du passé, et à Maxim de Winter d'expier partiellement son crime. Car il y a bien entendu derrière cette histoire le meurtre (et non l'assassinat car non prémédité) de la femme par le mari (et l'on se demande si aujourd'hui un tel ouvrage avec une telle immoralité pourrait paraître sans subir les foudres de la vindicte moralisante et asphyxiante). Et qui dit crime dit procès, révélations, chantages, course à la vérité ou du moins à une certaine vérité car parfois il vaut mieux sauver des apparences et surtout vengeance d'outre-tombe. Et l'on revient toujours aux apparences et aux non-dits. La prouesse de Daphné Du Maurier c'est peut-être d'inverser les courbes de présence de ses deux héroïnes au fil du roman car, même anonyme, sa narratrice est une héroïne avec ses failles et sa rebellion. Rebecca est un roman magnifique et magnifiquement addictif. Un roman de mœurs, héritage des romans du XIXe siècle, qui ne manquera de séduire d'autres lecteurs.

Citation

N'ayez pas peur, dit Mme Danvers. Je ne vous pousserai pas. Je ne vous aiderai pas. Vous pouvez sautez vous-même. À quoi bon rester ici à Manderley ? Vous n'êtes pas heureuse. M. de Winter ne vous aime pas. Vous n'avez plus grand-chose à perdre... Pourquoi ne pas sauter maintenant et en finir une bonne fois ? Vous ne serez plus malheureuse...

Rédacteur: Julien Védrenne samedi 16 décembre 2017
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