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jeudi 28 mars

Contenu

Roman - Noir

Dodgers

Social - Road Movie - Assassinat - Gang MAJ lundi 12 mars 2018

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 7,8 €

Bill Beverly
Dodgers - 2016
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Samuel Todd
Paris : Points, mars 2018
380 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-7578-6644-3
Coll. "Policier", 4532

Une éducation criminelle

Il existe des romans qui sont comme des condensés du roman noir, comme le diamant est un concentré de charbon. Ici, le récit de Bill Beverly va se déplacer spatialement, et chaque lieu est un roman noir à lui seul, une ambiance noire amplement reconnaissable : au début nous nous trouvons dans ces banlieues résidentielles où les petits trafiquants de drogue contrôlent le voisinage et surveillent le quartier. Puis Dodgers va s'étirer dans une automobile qui fonce au milieu des paysages semi-désertiques, s'arrête dans des stations service improbables et traverse l'enfer du jeu de Las Vegas. Enfin, le roman bifurque vers les zones rurales, les maisons isolées, le calme apparent des campagnes, les petites maisons au bord des lacs, avec des voisins qui surveillent ce qui se passe, avant de s'échouer dans un bled paumé, au milieu de nulle part, où les bouseux se rencontrent pour pratiquer des sports rudes, venant de toute part avec leurs véhicules, partageant boissons et amitiés viriles, dans les restes d'une industrie déclinante et perdue. Ces espaces différents du polar américain sont souvent le cœur unique du récit et l'on passe rarement de l'un à l'autre, a fortiori à travers l'ensemble des thèmes. C'est ici pourtant fait avec fluidité, avec une logique interne par l'intermédiaire d'un personnage ordinaire : East, un jeune noir, responsable de la surveillance d'un bloc, d'un pâté de maisons qu'il doit contrôler pour le compte d'un gang, en surveillant les clients indélicats et la police. Mais c'est difficile et lorsque des arrestations ont lieu, mettant en péril l'ensemble de l'organisation, le chef du gang envoie East accomplir une mission impossible, celle de retrouver une personne qui se cache dans un autre État et qui est capable de mettre à bas tout un édifice criminel lors d'un procès qui devrait s'ouvrir bientôt. Avec trois autres Noirs, se forme donc une équipe disparate et hétérogène qui doit traverser des territoires peuplés de Blancs, sans laisser de trace, pour aller dégommer le témoin. Mais l'équipe est tiraillée. East a la surprise de découvrir que celui chargé de l'exécution est son propre frère, avec qui il a des relations difficiles, et que les deux autres membres de l'expédition sont bizarres. L'histoire, comme un parcours initiatique, va donc dérouler à travers ces différents décors du roman noir, l'apprentissage du jeune homme : sa vie réglée de gérant de quartier, ses interactions dans le milieu clos de la voiture, puis la campagne profonde et des codes qu'il maîtrise mal au sein d'une population blanche qui est souvent hostile. Enfin, la rédemption possible par le métier, une figure paternelle en train de mourir dans un stand de tir perdu au milieu d'une friche industrielle de la campagne profonde offre une ouverture intelligente.
À travers ce parcours, peuplé de personnages drôles, émouvants, parfois étranges, de situations cocasses (un armurier clandestin qui refuse de leur donner les armes qu'ils ont déjà pourtant achetées, le frère plus jeune mais déjà si mature, la tentative d'aller jouer dans un casino de Las Vegas) Dodgers est à l'image même du titre - en effet, pour passer inapercus, l'équipée porte des casquettes d'une célèbre équipe sportive dont elle ne connait rien et le résultat apparaît aussi incongru que son déplacement erratique. Le projet de lier des décors divers et une transformation d'un héros au gré de ses tribulations, servi par une écriture qui sait rendre compte des lieux, créer une atmosphère et un personnage en quelques lignes, dresser un portrait qui sonne vrai et rend palpable les mondes décrits est une réussite intelligente et forte. Et ce n'est qu'un premier roman... Que nous réserve la suite ?

Citation

Les garçons faisaient le guet. Ils observaient la lumière qui envahissait le maigre espace entre les maisons noires, alignées comme une rangée de dents branlantes.

Rédacteur: Laurent Greusard lundi 12 mars 2018
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