La Vague

Le légiste, accroupi dans les ordures, extirpe avec douceur et précaution le petit corps supplicié. Les poignets fins comme des allumettes sont marbrés de grêles lignes d'un rouge sombre, tirant parfois sur le marron : la trace des liens. Le visage... le visage, comme Morbidelli aimerait ne pas avoir à l'apercevoir.
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vendredi 19 avril

Contenu

Roman - Noir

La Vague

Ethnologique - Trafic - Insulaire MAJ mardi 09 avril 2019

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 20 €

Ingrid Astier
Paris : Les Arènes, février 2019
400 p. ; illustrations en noir & blanc ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-7112-0047-4
Coll. "Equinox"

Surfer sur la vague

À un bout de cette île de la Polynésie française, il y a un récif. Et ce récif génère la plus belle vague, la plus grande, la plus dangereuse, sans doute, celle que les indigènes surnomment le mur des crânes, Teahupo'o. Cette vague mythique est presque l'objet d'une adoration. À proximité de cette vague, il y a quelques locaux qui vivent ou survivent, tant bien que mal, entre attraits de la modernité, qui peut apporter aussi l'eau courante que les drogues et l'envie de s'enrichir rapidement, et envie de conserver des liens avec leurs origines et leurs traditions. Parmi celles-ci, une un peu spéciale, où certains hommes qui ne sentent pas bien dans leur corps d'homme peuvent vivre comme des femmes. Si cela est plutôt bien accepté dans la société traditionnelle, aujourd'hui avec l'occidentalisation ce n'est plus forcément le cas et c'est par conséquent parfois mal vécu. Plusieurs scènes ou éléments du roman d'Ingrid Astier symbolisent et sous-tendent cette lutte entre le passé et le présent.
C'est principalement autour de deux surfeurs que se joue ce choc. D'un côté, un local, respectueux des croyances, ayant quasiment intégré la vague comme divinité, et cherchant à vivre en contact avec cette terre et cette mer toute deux nourricières. De l'autre, un surfeur, intégré dans le monde, sponsorisé par de grandes marques et qui profite de son aura pour transporter de la drogue et mettre en relation les différents gangs qui contrôlent les réseaux, possédé par l'hybris et défiant l'ordre naturel. Ce n'est pas un hasard s'il veut se faire un tatouage sans en comprendre le sens profond ou s'il veut une relation sexuelle avec une fille et qu'on lui offre le "travesti" de la tradition polynésienne pour lui faire honte. Cette tension pourrait être symbolisée par la vague elle-même car, juste à proximité de cette dernière, pour les touristes, les autorités ont érigé un bloc de béton sur lequel est reproduit comme un tag la vague, une œuvre d'art hideuse, pourrissante et déliquescente, à côté de la splendeur de l'originale.
Le lecteur se doute bien qu'à un moment ou à un autre, il assistera à une confrontation entre les deux surfeurs, aux prises avec la vague. Mais Ingrid Astier parvient sans peine à repousser cette scène jusqu'à la fin de son récit, offrant auparavant un entrelacs soigné, et construit avec soin, autour de quelques personnages à la fois représentatifs des composantes de la société tahitienne, mais en même temps, restant de fortes personnalités : un "échantillon" regroupant des anciens, et des plus jeunes, plus entrés dans la "décadence" de la société traditionnelle. L'intrigue - empruntant au registre du noir : trafics de drogue, prostitution, défense de valeurs contre appât du gain -, permet de décrire un groupe humain au sein de ses envies et contradictions, de belle manière, pour une auteure qui sait se renouveler d'ouvrage en ouvrage, tout en conservant une qualité d'écriture et de thématiques qui en fait une bien belle représentante du genre.

Citation

Terupe fut au bord de le perforer à coups d'aiguilles bien plantées ; puis il réfléchit et se dit que les esprits s'occuperaient de ce chien galeux aux poches remplis de billets. Sur une île déserte, on se nourrirait plus de bananes que de billets, connard.

Rédacteur: Laurent Greusard mardi 09 avril 2019
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