Contenu
Poche
Réédition
Tout public
Traduit du russe par Paul Lequesne
Paris : 10-18, décembre 2009
384 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-264-05067-0
Coll. "Grands détectives", 4293
Courses contre la mort
Le baronnet Nicholas A. Fondorine, Président de la société Le Pays des Soviets, est fort occupé à programmer un jeu vidéo mettant en scène, Danila Fandorine, son ancêtre, et la future Catherine II, tsarine de toutes les Russies.
Bien que filtré par Valia, la secrétaire androgyne, un visiteur s'impose. Il a eu connaissance de l'entreprise par le placard publicitaire paru dans Éros, une luxueuse revue érotique dont l'épouse de Nicholas est rédactrice en chef. Cet homme est-il venu chercher un conseil à une situation désespérée, comme il veut le faire croire ? Nicholas esquisse un début de solution et prend rendez-vous pour le lendemain. Il ne le reverra pas. L'officier de police judiciaire venant l'interroger sur leurs relations, lui annonce la défenestration de l'homme. Celui-ci avait, dans ses poches, les coordonnées du Pays des Soviets et un petit placard qui stipule que : "Nicholas Fandorine est reconnu comme une canaille et un escroc, en vertu de quoi il est condamné à mort". Or, depuis quelques mois, plusieurs P-DG, ayant reçus les mêmes menaces sont morts.
Parallèlement, l'action se transporte à la fin du XVIIIe siècle et nous fait vivre les efforts d'Alexeï Karpov pour présenter Mithridate, un garçon surdoué de six ans, à la tsarine. Il souhaite réussir avec son fils, ce qu'il n'a pas pu faire : vivre à la cour, à Saint-Pétersbourg. Il attire l'attention du prince Zourov, le Favori de Catherine, qui prend Mitia comme page, mais renvoie le père d'où il vient. Le petit garçon surprend les propos de deux comploteurs, proches du prince. Ce dernier s'est épris d'une comtesse, parente de la tsarine, et veut la séduire. Pour qu'il ait le champ libre, il faut empoisonner l'impératrice. Mitia fait échouer la tentative, mais devient l'objet de la haine du Favori et du capitaine Pikine, son âme damnée. Lors d'un bal costumé, un soir d'hiver, il se fait jeter hors du palais sans autres ressources que son déguisement. Promis à une mort certaine, il se réfugie dans une berline chauffée …qui n'est autre que celle de la comtesse. Celle-ci, lasse d'être poursuivie des assiduités du prince, veut fuir à Moscou.
Boris Akounine ne s'économise pas et n'économise pas l'énergie de ses personnages, pour ne pas dire qu'il leur mène la vie dure. Après une mise en place détaillée, complète, qui peut paraître longue sans, cependant, être ennuyeuse, c'est un déferlement d'actions, de rebondissements, de retournements de situations. Il multiplie à l'envi les coups de théâtre, les attaques, les poursuites effrénées, et toutes autres situations de la vie d'aventurier.
Il est aidé, pour animer ses intrigues (il y en deux principales) par sa capacité à créer des acteurs hors du commun. Il brosse, ainsi, une galerie de personnages singuliers. Il définit, pour chacun, si justement, le caractère, en fait un être de chair et de sang qui suscite l'empathie ou l'aversion, selon la catégorie à laquelle il se rattache.
Avec son habileté à créer des intrigues à tiroirs, l'auteur se permet de faire se rejoindre et se répondre deux histoires séparées par deux siècles.
Il introduit, de façon naturelle dans la trame de son récit, la vie sociale de la Russie d'aujourd'hui et celle de l'époque de Catherine II. Il montre une impératrice vieillissante à l'action politique bien restreinte et fait une description de la vie à la cour, qui donne la chair de poule. L'existence de courtisan, avec la nécessité d'être à l'affût de la meilleure place, de guetter la moindre ouverture pour attirer l'attention de la tsarine, de se faire remarquer, entendre pour continuer à bénéficier de la place, n'est pas des plus engageantes. Mais est-elle si éloignée de celles qui existent, qui se créent, où un potentat atrabilaire décide de tout ?
Son attrait pour les littératures populaires, pour les personnages emblématiques, l'amène à y faire référence fréquemment, en réintroduire l'esprit, allant parfois jusqu'au pastiche. Ainsi, Bon sang ne saurait mentir se rapproche d'un Crime et Châtiment inconnu.
Boris Akounine, comme à son habitude, manie l'humour avec beaucoup de virtuosité, sachant placer, à-propos, la périphrase assassine, l'image choc ou la situation décalée.
Bon sang ne saurait mentir est un grand cru de l'auteur, à consommer sans modération !
NdR -Bon sang ne saurait mentir se présente en deux volumes dans la collection "Grands détectives" (n° 4293 & 4294) des éditions 10-18.
Citation
Moi, plein de bravoure ? Moi, un lion ? Mitia cessa sur-le-champ de trembler et se prit à méditer sur l'immense différence qu'il y avait entre ce qu'on était réellement et l'image que les gens avaient de vous.