Arty

Les patients des cliniques Recycladene ne peuvent pas se passer de leurs suppléments hebdomadaires. Si c'est un coup monté par les syndicalistes ultras, c'est réussi. Les laboratoires se retrouvent entre le marteau et l'enclume. C'est pour cette raison que Rêves Différents a besoin de quelqu'un comme moi pour faire le ménage et cacher la merde sous le tapis. Quelqu'un qui soit seulement intéressé par l'argent, et qui se fout de la saleté des chiottes qu'il va déboucher.
Boris Quercia - Les Rêves qui nous restent
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Coup de coeur

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vendredi 29 mars

Contenu

Roman - Policier

Arty

Assassinat - Trafic - Artistique MAJ lundi 24 janvier 2022

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 20 €

Louis Nègre
Paris : Cohen & Cohen, septembre 2021
178 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-36749-087-8

Actualités

  • 25/01 Librairie: Jeu de Paume pour Arty, de Louis Nègre (75)
  • 23/09 Librairie: Dédicace de Louis Nègre (75)
    Le primo-romancier Louis Nègre signe chez Cohen & Cohen Arty, une intrigue qui se déroule dans le monde effréné de l'art sur fond d'assassinat. Il sera en dédicace le samedi 16 octobre de 17 heures à 21 heures à la librairie d'art internationale Artcurial. Sachant que la librairie est adossée à la maison de vente aux enchères Artcurial, on ne saurait mieux trouver comme lieu de dédicace. On peut ajouter que la librairie est également située au sein de l'Hôtel Marcel Dassault, un bâtiment classé monument historique et construit à partir de 1844. Ce qui ajoute à la légitimité de la signature et de l'appartenance au roman policier, noir et social...

    Librairie Artcurial
    7 rond-point des Champs-Élysées
    75008 Paris
    Tél. : 01 42 99 16 19
    Métro : Arrêt Franklin-Roosevelt (lignes 1 et 9)
    Liens : Louis Nègre

Art is money... What else?

Pilar Hernández, assistante d'une modeste galerie d'art madrilène, trouve sa position bien médiocre et rêve de devenir l'une de ces prestigieuses éminences grises qui, attachées aux grandes galeries arty (plus grandes que celle qui l'emploie), incitent à l'achat les riches collectionneurs, déclarés ou potentiels. Et qui, en faisant acheter, se mettent elles aussi à briller de ce même glamour qui éblouit à New York, Bâle, Paris, Miami... partout où s'organisent les foires majeures d'art contemporain. Quand César Darichon, la soixantaine, commence à la draguer, elle saisit l'occasion au vol... César est un Argentin de Buenos Aires de passage à Madrid, qui s'est construit une solide fortune en commercialisant des bonbonnes d'eau. À peu près ignare en matière artistique, mais sensible au mot "investissement", et assez riche pour se payer l'une de ces "œuvres-qui-comptent", il se laisse convaincre par Pilar d'acheter une toile de Rosh Smith, un "artiste-qui-monte". Puis de financer l'installation que ce dernier va exposer à la foire de Bâle... et voilà César érigé au rang de mécène. Quant au galeriste de Rosh, Robert Kahan, il voit, comme Pilar, grandir son aura à proportion que grimpent les prix... mais que pèse-t-il face à ce géant de la scène arty qu'est Victor Bluepach ?

Plus qu'en chapitres, le roman est structuré en une succession d'unités de lieu, telles des "stations", chacune à l'enseigne d'une ville s'étant taillé une place de choix dans le macrocosme de l'art contemporain – Madrid, Miami South Beach, New York... Ateliers, foires, galeries, tout un décor où interagissent des personnages qui, au physique comme au biographique, sont solidement campés. Une efficacité doublée d'une petite touche d'épaisseur : l'auteur a su insérer des passages dévoilant le champ de leurs pensées, de leurs émotions... sans pour autant se perdre en de trop longs "arrêts sur image". Cela en harmonie avec le rythme général du récit, mené à bonne allure par une écriture carrée, sans fioritures, mais ponctuée de formules cash jubilatoires qui brossent une situation, un événement, en quelques mots bien sentis (au hasard de ma mémoire, ces phrases : "Le plan B, la vente aux enchères, lui apporterait, avec la vengeance, la ruine, et il savait bien que si celle-là était un plat délicieux, il n'y goûterait qu'une seule fois, alors que celle-ci, elle, serait un cauchemar aussi redoutable que tenace." ; "Sur la planète helvétique, même les champs sentent le billet neuf.").

Étrangement les œuvres ne sont pas décrites – du moins pas de manière à susciter une visualisation précise. Ainsi le travail de Rosh Smith est-il présenté par références interposées : "C'était une espèce de Gehrard Richter en moins subtil, malmené par une gestuelle démonstrative un peu passée de mode, le tout rendu au goût du jour par des inclusions de mots et de caractères à la Ed Ruscha." Plus loin, quand il s'agit de l'œuvre monumentale qu'il réalisera pour "la section Unlimited de la foire de Bâle", le descriptif reste succinct : "les murs peints in situ, une série de bronzes monumentaux, et une vidéo, le tout formant une installation très complète." Et sur les lieux de l'exposition, le lecteur ne verra se dévoiler qu'une "installation [...] complexe, ambitieuse, multimédia". Combien de bronzes, quelles formes ont-il ? Qu'y a-t-il sur la vidéo ? Et ces murs "peints in situ", qu'offrent-ils à voir ?... Rien n'en est dit. Comment, à travers ces maigres éléments, se figurer quoi que ce soit ? Justement, peut-être n'y a-t-il rien à voir ? Non visualisables par l'écriture – sinon indirectement par un réseau de références plus ou moins dense que seuls les connaisseurs décrypteront – mais assez fermement définies par ce qui se joue autour d'elles, les œuvres ne sont plus que de simples marchandises, existant uniquement par leur prix, la cote de leurs auteurs et des galeristes, la place sociale des collectionneurs qui les achètent... Leur aspect, leur portée esthétique et signifiante, leur importance dans la dynamique de l'histoire de l'art : fi de tout cela. Par le procédé même d'écriture, ces œuvres arty sont affectées dans le récit du statut qui est le leur sur le marché de l'art contemporain réel – la forme exprime le fond.

Un marché dont on pourrait dire qu'il est à la fois le personnage principal et l'argument du roman. Car, plus qu'une "histoire" donnée à suivre, c'est le portrait de ce marché qui est dressé. Ses modes de fonctionnement, ses enjeux sont mis à nu avec force précisions tandis que ses acteurs – artistes, galeristes, collectionneurs et l'entière constellation de seconds couteaux gravitant autour d'eux – semblent n'avoir pas plus de consistance que les autres pièces, non humaines, du mécanisme. Une inconsistance que dit l'évidente clichéisation de quelques figures, par exemple la brillante WASP, l'artiste sans style "qui-monte", beau comme un play-boy, etc. Ainsi a-t-on le sentiment de voir s'ouvrir, au fil des pages, le boîtier d'un garde-temps haut de gamme et s'engrener les uns aux autres de délicats mais puissants rouages à travers lesquels tout passe – les êtres et leur âme, les événements, les coups médiatiques, les transactions, les accidents, les ascensions puis les chutes... et les crimes. La globalisation marchande de l'art, ce "cirque infernal" qui "continue sa marche" quoi qu'il arrive, passant par pertes et profits ses stars une fois chues de leur firmament, les œuvres un temps portées au pinacle puis dénigrées... a établi son règne.

Un constat manifestement sans appel au terme de ce roman impeccablement construit, marchant au rythme du fatum, et qui semble faire entendre, tout au long de son déroulement, ce murmure itératif : sic transit gloria... sic transit gloria...

Citation

S'étant fait payer l'argent qu'on ne lui devait pas, elle avait fait le mauvais choix de ne pas payer celui qu'elle s'était engagée à verser.

Rédacteur: Isabelle Roche jeudi 23 septembre 2021
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