Le Dernier Afghan

Il faut que le monde vous désabuse du monde. Plus il avançait en âge, plus cette dernière phrase lui semblait d'une affreuse actualité. C'est assez malheureux qu'il rentra enfin chez lui.
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vendredi 19 avril

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Roman - Noir

Le Dernier Afghan

Ethnologique - Guerre - Corruption MAJ jeudi 07 octobre 2021

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 23,9 €

Alexeï Ivanov
Nenaste - 2015
Traduit du russe par Raphaëlle Pache
Paris : Rivages, octobre 2021
636 p. ; 22 x 15 cm
ISBN 978-2-7436-5461-0
Coll. "Policier"

Rester droit dans un monde tordu

C'est l'histoire d'un homme, d'un groupe et d'un pays. Ce sont les désillusions, les fuites en avant et les derniers hommes d'honneur. Ce sont aussi les petites gens qui à la fin sont toujours les victimes, mais qui savent se rebeller avec panache. À travers le destin d'un personnage, de sa compagne, et des gens qui gravitent autour, c'est toutes les dernières années d'un système et d'une nation qui se dévoilent. Guerman, dit l'Allemand, est un russe "normal". Comme il n'a aucune connaissance, il part faire son service militaire au moment où l'URSS décide de soutenir le gouvernement communiste afghan. Guerman se retrouve alors coincé dans un pays qu'il ne comprend pas, avec d'autres soldats qui ne comprennent pas plus que lui. Mais son chef, lui, est un personnage d'honneur et il veut aider ses soldats à s'en sortir. Au retour du conflit, les soldats d'Afghanistan se regroupent et vont former des groupes de pression plus ou moins efficaces, abusant plus ou moins de leur puissance et de leur entrainement. Guerman et son chef se retrouvent ainsi à Batouïev et jouent des coudes pour se faire une place. Ils doivent lutter contre la corruption de l'URSS, puis de la Russie. Puis dans le groupe, certains restent des fidèles à leurs valeurs et d'autres pensent aux enrichissements personnels. Des luttes de clan s'engagent, des alliances contre-nature voient le jour, le populisme gagne. Guerman, lui, est de côté. Il ne comprend pas toujours tout et vit avec Tatiana. Mais il fait le rêve de partir au calme et il va tout faire pour le réaliser, y compris trahir ses camarades. Mais ce n'est peut-être qu'un prêté pour un rendu...

Voilà de manière linéaire l'intrigue de ce roman alors que ce dernier est plutôt construit de manière moins chronologique. C'est en effet la "trahison" de Guerman qui ouvre, ponctue et clôt Le Dernier Afghan. Entre, nous suivons la façon dont le clan des Afghans se forme, prospère et se liquéfie. Cette structure, assez classique dans le polar, fonctionne ici de manière astucieuse et permet de créer de la tension. L'ouvrage s'inscrit dans la tradition russe : débrouillardise des petites gens, alcool qui coule à flot, corruptions quotidiennes et mesquineries des gens entre eux, en même temps que la solidarité de la base. En filigrane de l'aventure de Guerman, c'est l'histoire du pays qui est vue à travers le prisme de la région - les alliances, le poids des criminels armés ou en chemise-cravate, les coups tordus. Le roman montre combien la guerre d'Afghanistan a laissé une cohorte (comme pour les guerres menées à l'extérieur par les États-Unis) d'anciens combattants qui ne savent comment se réadapter à un monde qui ne veut pas d'eux. Alors que dans le polar américain on aura une réaction individuelle, là il y a des réactions collectives, le temps que l'individualisme et le système poutinien se mettent en place, puis les mêmes personnages en profitent tandis que d'autres en pâtissent. Servi par une écriture forte, qui nous présente avec force les personnages, y compris les secondaires, qui vont mourir au bout de quelques pages, Le Dernier Afghan explore et décrit de manière magistrale une blessure qui ne se ferme pas, centré sur un personnage dont on espère jusqu'à la dernière page, qu'il va s'en sortir. Un roman âpre et dont il est difficile de se détacher.

Citation

Eux, les 'gars du Komintern' de Sergueï Likholiétiov, s'empressaient de vivre, tandis que la ville oscillait pour sa part avec lenteur, à la façon d'un encombrant paquebot, mais avec des rats qui gambadaient dans sa cave. Et voilà que la vie prenait de la vitesse alors que lui, l'Allemand, pour une raison qui lui échappait, avait été oublié sur le quai.

Rédacteur: Laurent Greusard jeudi 07 octobre 2021
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