Il n'y a qu'un bourgeois pour avoir fait ça : l'affaire de Bruay-en-Artois

L'homme se réveilla dans une chambre d'hôtel, mais il ignorait totalement pourquoi et comment il s'était retrouvé là. Un ventilateur aux pales immobiles, fixé au plafond, occupait son champ de vision.
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jeudi 28 mars

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Essai - Policier

Il n'y a qu'un bourgeois pour avoir fait ça : l'affaire de Bruay-en-Artois

Assassinat MAJ dimanche 15 août 2010

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 20 €

Pascal Cauchy
Paris : Larousse, février 2010
206 p. ; illustrations en noir & blanc ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-03-584605-1

Le notaire et la fille des corons

Le 6 avril 1972, le corps d'une adolescente de quinze ans, Brigitte Dewèvre, est découvert au cœur d'un terrain vague délimité par des corons. Voilà le début de l'une des plus grandes affaires judiciaires du XXe siècle. Pascal Cauchy, chargé d'enseignement à l'Institut d'études politiques de Paris, a étudié l'histoire et l'historiographie de l'Union soviétique et le militantisme au sein du Parti Communiste français. Il a dirigé le Dictionnaire de la Russie (Larousse, 2007). Il s'attaque ici à un fait divers qui va tourner à l'affrontement politique.

Le plan :
Dès le plan de la scène du crime inséré avant le chapitre 1, le lecteur se trouve en terrain connu s'il a lu des romans policiers "à l'anglaise" : les rues des corons et des garages forment l'espace clos du terrain vague. Au cœur de ce terrain, comme un étrange symbole, une propriété de "nantis" : la maison de M. et Mme Mayeur, patrons du gros magasin de mobilier de Bruay. Cette grande maison typique des années 1970 est entourée d'arbres et d'un muret doublé d'une haie symbolique. Le corps de Brigitte Dewère sera trouvé devant cette haie.
À partir du moment où les espaces sont aussi bien définis, les lieux de vie sont fixes, les habitudes toujours les mêmes. Au fil de l'enquête, les témoignages, comme dans tout bon roman d'énigme, vont jouer sur des minutes et des déplacements de personnages, des alibis et surtout la télévision qui diffuse un match important cadrant ainsi l'horaire. La voiture du notaire, dont l'étude se trouve presqu'en face de la maison "Mayeur", a été vue sur une place "réservée" à une habitante. Mme Mayeur coupait sa haie derrière laquelle se trouvait le corps. Brigitte a été vue avec un homme, ou un jeune homme, ou une femme déguisée en homme...

Le suspect n°1 :
Le notaire, Pierre Leroy, paraît être au centre de l'affaire. Il a une liaison avec Mme Mayeur, une femme grande et costaude comme un homme. Un juge d'instruction va être saisi de l'affaire. Henri Pascal deviendra "le petit juge" pour la postérité. Pascal Cauchy, à travers cette passionnante affaire criminelle émaillée de sensationnelles révélations, va aussi s'attacher à définir le caractère social, politique et explosif qui l'entoure. Dès le départ, avec la mise en cause du notaire et de sa maîtresse, va se développer un courant "anti-bourgeois" qui prend sa source dans l'après 68 et dans l'historique ouvrier de la région. Parallèlement aux exposés du "petit juge" devant les médias très impliqués, le procureur Somnier dénonce le manque de preuves flagrantes et le piétinement de l'enquête si bien que, pour l'opinion publique, le procureur défend les "nantis" tandis que le petit juge est au plus près du peuple.

Les Gardes Rouges :
Dans un très long chapitre intitulé "Gardes rouges au pays noir", Pascal Cauchy retrace l'historique du groupe actif de la Gauche Prolétarienne qui va prendre une position très offensive sur cette affaire, comme sur d'autres telles que les quarante-sept bébés empoisonnés par le Talc Morhange, les cent quarante-six jeunes brûlés dans le dancing du "5-7" , ou l'affaire Aranda, du nom de ce fonctionnaire dénonçant des marchés truqués. "Quand éclate l'affaire de Bruay, les 'maos' sont au maximum de leur activisme." Ils apportent leur soutien (intéressé) aux parents de Brigitte et surtout au juge qui bataille contre le procureur par médias interposés. Avec les autres comités qui se créent pour soutenir les familles des affaires Morhange, 5-7 et Aranda contre les cachotteries du gouvernement de droite, se met en place une "synergie" d'extrème gauche destinée à occuper massivement le terrain géographique et celui des médias. Finalement, alors que le juge veut garder le notaire en détention, le procureur décide de le dessaisir de l'affaire. La Cause du Peuple, organe de la Gauche Prolétarienne va se déchaîner, le comité Vérité et Justice est dopé, des manifestations sont organisées jusqu'à Paris, des personnalités prennent partie...

Le symbole :
Et qu'en est-il de la pauvre jeune fille assassinée ? Qui est vraiment le coupable ? Heureusement, même s'il détaille tous ces processus politiques d'occupation du terrain, Pascal Cauchy ne perd pas de vue l'histoire criminelle. Il conclue son ouvrage par un chapitre intitulé "Le cas Jean-Pierre" qui ouvre sur d'autres hypothèses mais qui ne donne pas la clé de l'énigme. "Les parents de Brigitte sont abattus, cette longue procédure leur a aussi coûté très cher. En juillet 1975, des médiums font leur apparition sur le terrain vague. Ce n'est pas la première fois depuis trois ans que des adeptes du spiritisme déambulent entre les corons et la célèbre haie d'aubépine, mais ceux-ci arrivent de Rouen à la demande de Léon et Thérèse Dewère. La manifestation du paranormal succède à l'agitation gauchiste. Le terrain vague garde son mystère, le mystère d'un crime sans coupable."
À travers un épilogue qui inclut cette énigme dans un vaste panorama social et politique où le Nord perd ses industries et son âme face à un État de moins en moins paternaliste, on comprend alors comment le corps d'une adolescente peut devenir le symbole anéanti et violenté de l'éventuelle renaissance d'une région.


On en parle : La Tête en noir n°146

Citation

La plupart des protagonistes de l'affaire de Bruay-en-Artois ne sont déjà plus de ce monde, sauf, peut-être, l'assassin

Rédacteur: Michel Amelin vendredi 13 août 2010
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