CHRONIQUES

livres • bandes dessinées • comics
Prix : 8.8
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ISBN : 978-2-2640-5433-3
Nombre de pages : 478
Format : 11x18cm
Année de parution : 2010
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8 / 10

L’Honneur de Sartine

Tirez le cordon, le ciel cherra...

Quiconque meurt dans son lit est censé trépasser sereinement – du moins est-ce ce que l'on entend signifier quand on dit de quelqu'un qu'il est « mort dans son lit ». Il n'en va pas toujours ainsi – M. de Chamberlin, par exemple, en aurait sans doute d'épouvantables à raconter qui démentiraient cette idée reçue… s'il lui était loisible de s'exprimer sur le sujet. C'est bien au lit que Nicolas et Bourdeau découvrent le corps sans vie du vieillard, mais enseveli sous un fatras d'étoffes et de solides boiseries qui l'ont proprement écrasé, lui laissant au visage une expression de « douloureuse surprise ». Selon toutes apparences, il s'agit d'un simple accident domestique, l'imposant meuble à baldaquins, fort ancien, ayant probablement été fragilisé par une infestation d'insectes qui aurait précipité son effondrement. Pourtant, à peine se trouve-t-il dans la chambre du défunt que Nicolas repère plusieurs indices attestant que de louches événements ont entouré cette mort de plus en plus suspecte… Des traces dans la poussière signalent que des objets ont disparu ; un papier est découvert dans le compartiment secret d'un cabinet de bois… Mis au fait de la situation familiale de M. de Chamberlin – et aussi de son caractère particulièrement âpre – Nicolas soupçonne vite que sa fortune devait susciter de pressants appétits autour de lui. Mais il y a plus inquiétant : M. de Chamberlin, qui détenait toujours la charge de contrôleur général de la Marine bien que, malade depuis longtemps, il n'exerçât plus officiellement aucune fonction, était sûrement en possession de documents secrets intéressant la sécurité du royaume.

Voilà donc pourquoi l'enquête est laissée à Nicolas : l'affaire dépasse le cadre de l'intrigue familiale… Celle-ci est cependant bien réelle, et ô combien sordide qui s'origine dans des haines rancies de longue date, dans les appétits féroces d'un neveu s'enorgueillissant d'une particule fraîchement acquise par le mariage et n'ayant de cesse que de replâtrer sa roture comme il érige son hôtel particulier, à grands renforts de matériaux flambant neuf dont les senteurs puissantes cachent mal la puanteur des animosités tenaces que se vouent les proches de M. de Chamberlin – et que tous vouaient au vieillard acrimonieux… Mais comme souvent dans les énigmes que doit résoudre Nicolas, les manigances privées se mêlent aux intérêts de l'État… Cette fois, M. de Sartine est directement menacé par un papier des plus compromettants que détenait M. de Chamberlin – et que l'on a subtilisé. Déjà en butte aux attaques répétées de Necker qui cherche par tous les moyens à l'écarter de ses fonctions, le secrétaire d'État à la Marine espère beaucoup en Nicolas…

Déchiffreur d'âmes d'une exceptionnelle finesse, celui-ci parviendra, on s'en doute, à démêler l'inextricable pelote. Même s'il lui faut à l'occasion outrepasser les limites que lui impose la loi en matière d'investigation. Mais cela lui laisse au cœur un « air désespéré » car, de cette affaire, M. de Sartine n'est pas sorti indemne. Et puis il est aussi atteint par quelques événement personnels : à la tristesse de voir son fils bientôt s'éloigner pour rejoindre à Saumur le nouveau régiment auquel il a été affecté s'ajoute le trouble que lui cause ce qu'il a appris, à faits couverts, sur sa mère. Nicolas quitte donc ce récit plus mélancolique que de coutume, et assombri par ce qu'il sent de menaces dans cet « air du temps » si prompt à s'alourdir quand le peuple est en colère…

Tandis que notre héros, considérant sa vie, le mystère de sa naissance, le devenir de ses proches et les tumultes du siècle, s'abîme en de sombres songeries, le lecteur jubile : ces questions entrevues et laissées en suspens annoncent de futurs romans, riches en rebondissements et relevés, toujours, par cet art consommé de scruter l'Histoire qui contribue tant à attacher à la série de si nombreux fidèles.

Article initialement paru le 9 janvier 2012
Publié le 21 mai 2025
Mis à jour le 21 mai 2025
Mort ? Mort ! Hé ! Que dites-vous là ? Je le savais fort déclinant mais toujours rebondissant… Je n'aurais jamais imaginé que sa fin fût si proche.
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