Tout jeune inspecteur à la Police Judiciaire de Paris, Franck Sharko commence à comprendre qu’il n’aura pas la vie privée à laquelle lui et Suzanne aspirent : une histoire qui le hante depuis sa plus tendre enfance est sur le point de remonter à la surface par le biais de celle des Disparues du sud parisien. Trois jeunes femmes qui ont mystérieusement disparu entre 1986 et 1989. Décembre 1991. Delphine Escremieu, peintre tourmenté, vient elle aussi de disparaître. Un homme, Philippe Vasquez, a trouvé dans sa boîte aux lettres en rentrant chez lui un volume des Fleurs du Mal, de Charles Baudelaire, accompagné d’un mot pour le moins dérangeant : son auteur lui a fait un tour à la Houdini ou presque (il sera question du grand magicien plus tard). Pour l’heure, le tour en question s’apparente à celui d’un mentaliste. Un jeu de piste qui a emmené le témoin à découvrir une mise en scène macabre dans un appartement. Mais la victime n’est pas encore celle que l’on croit. Pour Sharko, le temps semble compté. D’autres indices pointent vers les poèmes de Baudelaire et l’escamotage. La victime est une véritable victime de chambre close. Seulement, l’inspecteur va pouvoir s’en rendre compte, la vérité est à la fois plus simple et plus complexe que ça. Surtout quand l’auteur du crime se manifeste à nouveau. Ce coup-ci, l’enquête devient plus personnelle alors que suite à une bévue, Sharko est quelque peu mis sur la touche.
Chronologiquement parlant, 1991 est la première aventure de Sharko, l’un des personnages d’enquêteurs récurrents de Franck Thilliez. Chronologiquement parlant seulement, parce que le roman est sorti en 2022, vingt et un ans après Train d’enfer pour Ange rouge, qui initiait la série. Dans cette adaptation très rythmée de Luc Brunschwig, le charme vient justement de l’époque avec une enquête à l’ancienne sans téléphone portable, ni balises pour suivre les déplacements, ni piste ADN (science qui en est à ses balbutiements). On suit les pas d’un vengeur machiavélique avec de l’illusion, de la littérature à la limite du gothique opposée à une équipe de flics à l’ancienne qui évoluent entre procédure stricte et instinct. Intelligemment, l’auteur a pris soin de faire transparaître un élément contemporain (l’identité sexuelle) qui en 1991, s’il existait, n’en était pas moins sous les radars. L’intrigue file à cent à l’heure, freine pour stopper par moment. Les auteurs usent également de flashback (en niveaux de gris) puisque l’intrigue remue des souvenirs. Au scénario ciselé et bien digéré de Luc Brunschwig (Le Pouvoir des Innocents & Holmes, tous deux chez Futuropolis), Michel Montheillet (La Trilogie du Mal d’après Maxime Chattam chez Jungle) allie un dessin très réaliste et pourtant à la frontière du comics (dont on peut se rendre compte dès la très jolie couverture) mâtiné de gothique. Le tout avec un art savant de la mise en abime (la photo dans la photo, la lettre dans la case, le livre dans le cadre, etc.). Un bien joli rendu magnifié lui aussi par la mise en couleurs de Cyril Saint-Blancat et Bonaventure.
