CHRONIQUES

Films • Séries TV • théâtre • Radio • Jeux
INFORMATIONS LIVRE
Édité chez
Numéro collection : 0
Année de parution : 1968
Crédits
Contexte
CHRONIQUES >
8 / 10

Adieu l’Ami

Forcément, la rencontre entre Jean « Herman » Vautrin et Sébastien Japrisot allait accoucher d'un bon polar. En outre, Sébastien Japrisot pourrait se targuer d'être un romancier adapté heureux car pour la plupart, ses romans auront été particulièrement bien portés à l'écran. Le petit bémol à l'affirmation précédente vient que dans le cas qui nous préoccupe, il s'agit avec Adieu l'ami d'un scénario que l'auteur de L'Été meurtrier, plus attiré par l'écriture pour le cinéma, novélisera la même année.
Le casting est aguicheur et impressionnant : Alain Delon et Charles Bronson en partenaires d'infortune. Pour les accompagner, la méconnue Olga Georges-Picot et la bientôt connue Brigitte Fossey. Il importe d'ajouter la présence de Bernard Fresson, peu connu du grand public mais toujours « gueule » du cinéma que l'on sait avoir déjà vu – il incarne ici l'inspecteur Meloutis, qui interrogera longtemps un Propp devenu muet.
Le film a tout du polar tourné à l'américaine, et c'en est un, ou presque. Il débute par une légère critique des guerres d'Algérie et d'Indochine, et avec le retour de deux appelés – le jeune médecin Dino Barrab et l'expérimenté Franz Propp -, et la rencontre impromptue sur un port avec Isabelle Moreau. Cette dernière propose à Barrab de se laisser enfermer le week-end de Noël dans les sous-sols de l'entreprise où elle travaille pour remettre des documents compromettants dans un coffre-fort dont elle lui fournira une partie de la combinaison pour l'ouvrir. Ce même coffre abritera dans le même temps la paie mensuelle des salariés de la compagnie. Barrab accepte en mémoire d'une dette qu'il a contracté pendant la guerre, et s'il est un solitaire plus ou moins endurci, il va devoir faire affaire avec Propp.
L'intrigue est très linéaire et le duo Delon-Bronson est percutant avec son lot de castagne et de corps en sueur dignes d'un film de gladiateurs. Le premier a finalement accepté de jouer avec le second (qu'il ne trouvait pas assez star américaine à son goût). Mais là où le film se démarque d'un très honnête divertissement sur fond de braquage avorté et d'entourloupe (avec tension, haute tension et infra-rouges de circonstance), c'est d'abord dans ses à-côtés comme lorsque Bronson s'essaie à empiler des pièces de cinq francs dans un verre rempli à ras bord d'alcool en de nombreuses occasions dont une fois dans une limousine pendant qu'il négocie un étrange contrat. C'est ensuite dans cette scène absolument hallucinante dans un garage avec une prostituée assise sur un plateau circulaire tournant, baignée par les phares d'une voiture et observée par une bande de déglingués lubriques. La mise en photographie est de toute beauté, et les personnage effrayants sont hypnotisants. C'est enfin avec le scénario ciselé et parfaitement maîtrisé de Sébastien Japrisot. Tout est parfaitement ficelé à l'image de l'effraction, et ce jusqu'au dénouement psychologique qui laisse un goût amer au spectateur. C'est un film d'hommes réalisé par des hommes au milieu desquels les femmes viennent jouer les trouble-fêtes pathétiques, mais blessées. C'est le cinéma de papa dans ce qu'il a de plus attirant.

Article initialement paru le 25 juillet 2015
Publié le 27 mai 2025
Mis à jour le 27 mai 2025