Étrange idée que de faire se côtoyer deux esprits révolutionnaires et indépendantistes aussi éloignés que dans ce premier volet de Libera Me, une bande dessinée prévue en triptyque. Étrange idée et puis à la réflexion non car depuis nous avons pu nous rendre compte que ces courants sont bien souvent internationaux et qu'ils s'entraident. Tout se déroule dans le premier semestre 1981 entre la Corse du Sud et l'Irlande du Nord. Les destins et parcours croisés de Liam, l'Irlandais, et François-Marie, le Corse, suivent leur cours dans une marche forcée et violente. Tout les oppose et pourtant les réunit. Il y a d'abord le leadership de Margaret Thatcher, la Dame de fer, et l'arrivée de François Mitterrand à la présidence française. La première exclut tout dialogue, le second est synonyme d'avancée. Dans ce premier volet tout en couleurs – Ribelli – les auteurs, et ils sont nombreux – plantent leur décor d'une violence exotique, harmonieuse et mélodieuse. Car, et il faut le souligner, cette bande dessinée en langue française ne cesse de se teinter de sonorités corses, anglaises et irlandaises. Histoires d'amour à deux strates avec d'abord deux peuples qui aiment férocement et jalousement leurs terres. Histoires d'amour et de mixité avec deux hommes qui s'éprennent d'une terre étrangère, d'une cause étrangère et enfin d'une belle étrangère. Mais au milieu de tout ça il y a aussi l'absurdité de ces conflits, la monstruosité et l'inhumanité de ceux qui les alimentent. L'incompréhension pointée du doigt et de la kalachnikov. Car la violence entraine la violence, les souffrances, les pleurs et et la vengeance. Au détour de télévisions; on nous montre des images réelles d'hommes et de femmes politiques qui profèrent de véritables propos historiques. Il faut dire que Libera Me dépasse le stade contemplatifs de luttes armées dont on connait toute la partie émergente. Le trait et le scénario sont poussés à l'extrême dans un souci d'approche de la réalité à froid. Ce n'est pas un hasard si les événements se déroulent quelques trente années auparavant. Tout le monde a eu le temps de les digérer, de les appréhender et de les oublier. Ici, le thriller est à base de documentation digérée.
