Tom Brandis, agent du FBI au bout du rouleau depuis la mort de son épouse, accidentellement tuée par son fils handicapé, est confiné à des tâches routinières lorsqu’on lui demande de prendre la tête d’une “task force”, unité qui n’a ici rien d’élite, afin de trouver le gang qui braque des dealers de fentanyl dans le Delaware, en plein cœur de la rust belt, cette zone de misère post-industrielle de l’Amérique. Sa route va croiser celle d’un éboueur, invisibilisé par une société qui ne lui a jamais laissé une chance, et qui tente seul, par des moyens malhonnêtes, de faire tenir sa famille. Plus qu’un duel, une rencontre d’hommes cassés par la vie, qui évidemment ne leur fera aucun cadeau.
Scénariste doué pour creuser les misères de l’âme humaine, à qui l’on doit l’excellente mini-série Mare Of Easttown qui, déjà, utilisait le filtre de la fiction policière pour explorer le mal-être de ses protagonistes, Brad Ingelsby retrouve la banlieue de Philadelphie dont il est lui-même originaire, pour se pencher sur la classe ouvrière et les ravages que la crise économique ont pu causer sur elle. Son “vilain”, Robbie Prendergast (Tom Pelphrey) est en définitive un chic type, un éboueur plaqué par sa compagne qui fait tout ce qu’il peut pour s’occuper de ses enfants et de sa nièce orpheline et dure à cuire (sans doute le plus beau personnage de la série, brillamment interprété par Emilia Jones), quitte à commettre des hold-ups violents sur les caches des dealers de fentanyl, en particulier celles qui sont liées à un groupe de hell’s angels locaux avec qui il a partagé un bout de chemin. Pas vraiment un seigneur du crime, juste un prolo qui poursuit un rêve impossible de vie paisible pour les siens, loin de la misère qui les guette. Comme dans tout bon roman noir, tout va bien entendu aller de mal en pis pour l’éboueur, entraîné dans une spirale de violence qui le dépasse. Face à lui, un autre chic type, un ex-prêtre (Mark Ruffalo) devenu agent du FBI, qui a perdu la foi et dont la famille traverse un drame dont nul ne se remet jamais vraiment. Totalement au bout du rouleau, cet agent éloigné du terrain va devoir encadrer une équipe aussi larguée que lui pour accomplir sa mission… Mais quelle est-elle d’ailleurs ? Capturer un “gang” minable ? Secourir un enfant kidnappé (ou recueilli, les avis divergent) ? Rétablir un ordre auquel personne ne croit ?
Comme une tragédie grecque, Task repose exclusivement sur les personnages. Peu d’action ici. Une enquête sans grande conviction et un rythme atone traversé de quelques fulgurances de violence. On est à cent lieues du gros des fictions policières télévisées. La réalisation le sent bien, qui s’attache aux regards, las, plutôt qu’aux événements, et l’interprétation tient parfaitement la route, jusqu’au plus petit second rôle. Tout juste pourrait-on reprocher à Brad Ingelsby quelques facilités scénaristiques et une fin assez improbable, mais c’est en définitive mineur tant on s’attache à ces personnages brisés et perdus. Lorsque se termine le septième et dernier épisode de Task, c’est avec un sale goût dans la bouche que l’on referme l’histoire. Et si c’était simplement le goût de la réalité ?
Task (7 épisodes – 60-65 minutes) : série conçue par Brad Ingelsby et réalisée par Jeremiah Zagar. Avec : Mark Ruffalo, Tom Pelphrey, Emilia Jones, Fabien Frankel, Thuso Mbedu…
Première saison :
1. « La Croisée des chemins » (« Crossings »)
2. « Une affaire de famille » (« Family Statements »)
3. « Nul n’égale le pardon » (« Nobody’s Stronger Than Forgiveness »)
4. « Tous les chemins » (« All Roads »)
5. « Les Égarés » (« Vagrants »)
6. « Out Beyond Ideas of Wrongdoing and Rightdoing, There is a A River »
7. « A Still Small Voice »