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Entretien réalisé le 1 décembre 2009

Rencontre express avec Caroline Masson, librairie Terminus Polar

Caroline Masson, contre vents et marées, a ouvert depuis quelques mois la seule librairie spécialisée en littératures policières de la Capitale. Un pari – les professionnels du Livre pensaient le modèle obsolète -, tenu avec passion et auquel nous souhaitons longue vie !

Entretien avec Caroline Masson, Libraire.

K-libre : Vous avez ouvert quand ?
C.Masson : Le 9 septembre 2008.

K-libre : Comment se porte votre librairie ?
C.Masson : Pour l’instant elle se porte pas mal. De mieux en mieux. Pourvu que ça dure…

K-libre : Si c’était à refaire ?
C.Masson : Je ferais à peu près la même chose.

K-libre : Et puis d’abord, pourquoi l’avoir fait ?
C.Masson : C’est une question que je me pose encore. Non pas que je regrette mais je n’en ai aucune idée.

K-libre : Votre librairie rencontre un franc succès au niveau des « permanents » du polar. On y croise un nombre invraisemblable d’écrivains (J.-B. Pouy semble y avoir pris ses quartiers), d’associations (Les Habits noirs, 813), sans parler des sites journalistiques ou des maisons d’édition… Une volonté délibérée ou bien c’est venu comme ça ?
C.Masson : C’est venu comme ça. Petit à petit les gens du polar ont eu vent de l’ouverture de la librairie et sont venu jeter un œil.

k-libre : Vous vous êtes installée dans un quartier populaire. Un choix revendiqué ?
C.Masson : Oui, c’est ce que je voulais. Un quartier populaire, une clientèle de quartier. Quelque chose de simple, loin de l’image de la librairie élitiste.

K-libre : Cette clientèle de quartier est au rendez-vous ?
C.Masson : C’est l’essentiel de ma clientèle même si petit à petit les clients viennent de plus loin.

k-libre : Vous arrivez à identifier ses attentes ?
C.Masson : J’espère y arriver. Pour l’instant ça semble être le cas d’après ce que les habitués me disent.

K-libre : ça ressemble à quoi en fait, une clientèle de quartier ?
C.Masson : En général le client ou la cliente de quartier a un sac de courses dans une main et un deux ou trois enfants dans l’autre…

K-libre : Pourquoi les littératures policières ? Vous êtes tombée dedans quand vous étiez petite ?
C.Masson : Non, petite je lisais Gaston Lagaffe. Le polar c’est arrivé plus tard. Et depuis je ne lis que ça.

K-libre : Vous défendez des « petits » éditeurs extrêmement vivifiants pour le tissu éditorial français. Pourquoi ?
C.Masson : Je ne les défends pas systématiquement parce que comme partout on peut tomber sur des trucs sans intérêt. Mais quand on lit des bouquins édités par Krakoen, Ravet-Anceau, les Contrebandiers et j’en passe, ils sont souvent de qualité, ils apportent une fraîcheur (le côté vivifiant dont vous parlez) et on peut découvrir des auteurs formidables que les « grandes » maisons d’éditions ne prennent pas le risque d’éditer.

K-libre : Entre les offices et les pressions financières des « grands éditeurs », comment parvient-on à défendre ces éditeurs ?
C.Masson : Je découvre les livres soit grâce aux clients soit parce que les éditeurs m’en envoient, soit dans les différents salons de polar. Donc je les lis et si je les aime je les défends. Je ne ressens pas encore trop les pressions financières mais j’imagine que ça ne va pas tarder. On verra bien. Mais il y aura toujours de la place pour les éditeurs plus marginaux, sinon ça n’a plus aucun sens d’avoir ouvert une librairie spécialisée.

K-libre : Quand on parcourt vos rayons, on y trouve des titres surprenants et souvent, des choix risqués. Par exemple, au Rouergue jeunesse, vous avez choisi de défendre Being, un excellent titre, mais moins facile que La brigade de l’œil, du même éditeur, plus séduisant et plus aisé à commenter. Ce dernier ayant été, par parenthèse, et pour des raisons qui n’ont pas grand chose à voir avec la littérature, plébiscité par nombre de vos confrères de la Place parisienne – plus facile à vendre encore une fois, fort d’un argumentaire scolaire en poche… De même proposez-vous l’excellent Yegg (c’est même vous qui l’avez fait découvrir à noir comme polar semble-t-il, et à moi-même). Vous aimez donc la difficulté ?
C.Masson : Je ne crois pas rechercher la difficulté. Pour Yegg, par exemple, c’est une cliente qui m’en a parlé. J’ai fait des recherches sur le bouquin, je l’ai lu, je l’ai trouvé formidable, et donc j’ai saoulé tout le monde avec. J’ai découvert récemment « Flandre noire » de Gilles Warembourg édité chez Ravet-Anceau. Rebelotte, tout le monde y a droit.
Mais je peux aussi adorer un livre paru chez un « grand » éditeur et je le mets en avant de la même manière.

K-libre : Comment trouvez-vous le temps de lire ?
Le temps est ce qui me manque le plus. Bon, j’ai des moments de creux à la librairie alors j’en profite pour lire, pour aller sur les sites spécialisés, pour lire les revues…

K-libre : Qui aimeriez-vous défendre mieux aujourd’hui ? Je me suis laissé dire que vous aviez une affection particulière pour Siniac.
C.Masson : Ah oui, je trouve que Siniac est un auteur formidable. D’une originalité et d’un cynisme absolu. Il faut absolument lire Femmes blafardes ou Bazar Bizarre, par exemple.

k-libre : Votre politique d’animation est tout à fait exemplaire de vos choix. C’est quoi votre calendrier ?
C.Masson : Le 3 décembre, Sébastien Rutès et Jean-hugues Oppel sont venus signer leurs livres, après je n’ai pas de dates définies mais Dominique Sylvain devrait venir en avril et j’espère que Max Obione viendra dédicacer son prochain livre à la librairie.

k-libre : Finalement, une librairie polar à Paris, alors que les « professionnels » du livre en parlait comme d’un modèle voué à l’échec, cela correspondrait à une attente ?
C.Masson : Pour l’instant j’ai envie de répondre que oui mais si dans un an je mets la clé sous la porte j’aurai l’air d’une truffe. J’espère en tous cas. Et si c’est le cas j’espère aussi réussir à combler cette attente, parce que c’est bien beau d’ouvrir une librairie de polar mais derrière il faut assurer.

Article initialement paru le 3 décembre 2009
Publié le 27 mai 2025
Mis à jour le 27 mai 2025