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Tout public
Traduit de l'allemand (Autriche) par Corinna Gepner
Paris : Carnets Nord, janvier 2011
400 p. ; 21 x 15 cm
ISBN 978-2-35536-047-3
Les dents de la mort
En plein cœur de Vienne, dans un immeuble de vingt-huit étages, le toit cache une superbe piscine. Qu'elle n'est pas la surprise des habitants d'y découvrir un cadavre flottant ! Qu'elle n'est pas la surprise de la police de découvrir que la victime est morte, dévorée par un requin (qui évidemment n'est pas dans la piscine) ! Une affaire atypique de ce genre, autant la confier à Richard Lukastik, policier lui-même atypique.
L'Autriche a fourni quelques penseurs de qualité, quelques écrivains et peintres doués et quelques hommes politiques-dictateurs aux qualités moins évidentes. Elle a notamment fait surgir Wittgenstein, un philosophe particulièrement spécial. Or, le commissaire qui enquête ne jure que par lui, et lorsqu'il ne sait comment continuer une enquête, il ouvre un livre de son maître à penser et y trouve un aphorisme qui lui permet de continuer. Constamment empreint de doute, désabusé sur sa propre existence et celle des autres (en cela il ressemble aussi à un autre célèbre autrichien, Thomas Bernhard), le commissaire travaille en solo, envoie parfois ses adjoints sur des pistes qu'il pense secondaires pour avoir la paix.
L'intelligence de Heinrich Steinfest consiste aussi à placer face à lui un coupable de la même veine. Un plan diabolique a été conçu, rehaussé par des improvisations qui sont autant de défis à la logique chère au philosophe. De plus, ce coupable est un personnage affable, souriant, prêt à rendre service et dont le mobile s'avérera à la fois futile et essentiel, très littéraire et très psychologique à la fois.
L'ensemble des personnages secondaires renforce cette impression étrange : un spécialiste en graphologie, expert en requins à ces moments perdus, un patron de pompes funèbres parfaitement disponible pour les demandes excentriques de ses clients. Face à ce chaos, convient-il de se replier dans la vie familiale ? C'est ce que pourrait penser le commissaire de cinquante ans qui vit encore avec ses parents et sa sœur de quarante dans un réseau de relations encore plus étranges.
Le roman se déroule ainsi de manière captivante (à la frontière de la littérature générale et de la littérature policière, et cela pourrait en déconcerter certains) en suivant une enquête extrêmement bizarre, jouée par des personnages encore plus étranges, mais qui se déroule avec une implacable logique et un soin du réalisme troublant. C'est ce mélange détonnant qui fait tout le sel du texte et le rend aussi exotique que d'autres polars plus éloignés géographiquement. Heinrich Steinfest maitrise son sujet, son décor et les marionnettes qu'il y déplace pour créer un ouvrage insolite, attachant,avec une capacité impressionnante à nous faire entrer dans l'univers de ceux qu'il décrit.
On en parle : La Vache qui lit n°119 |L'Indic n°10 |La Tête en noir n°149 |L'Indic n°23
Citation
À proprement parler, elle attendait la mort. Tout en s'arrangeant pour que cette attente ne fut pas épuisante.