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Grand format
Inédit
Tout public
204 p. ; 19 x 13 cm
ISBN 978-2-919174-02-7
Les deux mâchoires du même piège
Antoine est consultant pour la Boite, une entreprise chargée d'optimiser les relations humaines au sein du monde du travail. Antoine est un des bons éléments car il applique les consignes du libéralisme dans l'ensemble des acceptions possibles. Lorsque la bonne santé de l'entreprise qu'il est chargée d'aider à dégraisser nécessite que certains éléments revendicatifs soient éliminés, il s'en charge sans problème, avec des méthodes indétectables comme des empoisonnements. Mais aujourd'hui est un jour bizarre : au sortir d'une mission, il rencontre un de ses amis, celui-là même qui le coopta pour entrer à la Boite et ce dernier essaye de l'abattre. Il est sauvé par Pascal, un syndicaliste qui vient d'être quitté par sa femme et licencié par son entreprise. Les deux parias décident alors de se venger du système.
Jean-Patrick Manchette dans un célèbre roman, Nada , expliquait que la lutte entre l'État et les terroristes d'extrême gauche ne représentait que les deux formes du même piège, les deux mâchoires identiques du broyeur. Il écrivait cela dans les années 1970, moment où la politique conservait encore une aura de puissance. On sait aujourd'hui que le pouvoir a quitté les sphères civiles pour passer entre les mains des puissances économiques, et c'est très logiquement que François Thomazeau décrit une situation identique, haute instance patronale et syndicat se concertant pour gérer au mieux les situations et conserver leur pouvoir sur les masses. C'est donc à ce réjouissant jeu de massacre que l'auteur nous convie, à travers le destin de deux personnages, emblématiques de leur classe et qui essayent de survivre dans un monde hostile, où les loups s'arrangent entre eux pour dévorer les moutons tout en préservant la qualité du troupeau.
Mais le roman n'est pas juste cette démonstration des rapports sociaux actuels. Il est basé à la fois sur une description habile des personnages et de leurs relations, et servi par le cynisme malsain de notre époque, rendu ici par des dialogues écrits au couteau. Là où Manchette rendait compte d'une passion qui pouvait encore se vivre de façon romantique et lyrique, Thomazeau décrit des experts froids et calculateurs pour qui la donnée humaine n'est vraiment plus qu'une variable d'ajustement des mécanismes économiques.
Il serait cependant absurde de penser que Consulting n'est qu'une démonstration à charge de notre univers car l'auteur sait raconter une histoire et le roman sait multiplier les chausse-trappes et rebondissements pour créer une histoire dynamique et intelligente qui, en ajoutant des retournements de situation, empêche justement tout manichéisme. Des personnages secondaires, comme la femme d'un cadre ou un policier qui enquête sur la mort étrange d'une autre femme dans une chambre d'hôtel, créent des habiles contrepoints à ce qui est sans doute une belle réponse française au superbe texte de Donald E. Westlake, Le Couperet, sur le monde du travail.
Nominations :
Prix marseillais du polar 2013
Citation
Lui qui détestait la musique avait trouvé dans la techno l'expression de ses émotions et de son regard sur le monde. Le chant posé et radical des machines.