Contenu
Paris : Moisson rouge, septembre 2010
336 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-914833-94-3
Fleur du bitume
Willy est un jeune homme perdu dans ses rêves, au milieu d'une famille qu'il n'aime pas. Il décide de fuguer et découvre la Grande Ville. Là, entre petits jobs miteux, amitiés de jeunes aussi paumés que lui, il commence sa lente déchéance : un peu de drogue, besoin d'argent... Il est beau et le sait très bien. Pourquoi ne pas accompagner ses nouveaux camarades dans leurs promenades le long des trottoirs, là où les homosexuels viennent chercher de jeunes éphèbes aux passions tarifiées ?
Devenu Alan, le jeune homme est surpris par un "mateur" qui les observe de loin depuis sa voiture. Une étrange histoire d'amour va naître...
Sophie Di Ricci ne s'embarrasse pas de préjugés et elle donne à ses scènes amoureuses-sexuelles des accents de réalisme qui risquent de gêner un lecteur peu habitué à de tels passages sauf chez certains écrivains de littérature blanche (comme Gilbert Collard ou Hervé Guibert). Mais après tout les relations amoureuses qui s'inscrivent dans un rapport amour-haine des personnages, dans une description de personnages qui sont amoureux mais refusent de le reconnaître, dans la dépendance entre amour véritable et amour tarifé (surtout si l'un se transforme en l'autre) ne sont pas l'apanage des couples hétérosexuels.
Le personnage du "client-voyeur" est esquissé et garde ses zones d'ombre : qui est-il exactement ? On ne le saura pas même si le final laisse entrevoir qu'il a eu un passé violent. Celui de Willy/Alan, après une scène introductive sur l'ambiance familiale honteuse, débouche sur le portrait d'une trajectoire banale, centrée autour d'un personnage qui est à la fois attirant et répulsif.
Cadre d'un roman noir de bonne facture : des êtres coincés dans un monde noir et violent (à cet égard, passe dans le récit une bande de souteneurs complétement nuls qui se trompent de cible mais sont surtout pressés d'en finir pour pouvoir voir la fin d'un match de foot), des amours qui pourraient être fleur bleue et tourner dans la farce tragique. L'auteur sait arrêter son intrigue pour éviter que le sordide ne gagne sur la poésie glauque qui se dégage d'une histoire profondément urbaine.
Moi comme les chiens est une histoire d'amour, hors norme, non désirée, non voulue, qui tombe comme un coup de foudre et dévaste tout sur son passage. Elle n'empêche pas les petites trahisons ce que résume parfaitement le personnage central : il aime désespérément mais est prêt à le "vendre" et , pire, il se trahit lui-même, coincé dans des rêves de midinette (devenir chanteur punk à succès au Canada), comme se trahissent ses amis qui se prostituent mais refusent d'être catalogués comme putes ou homosexuels. En tant que tel, le thème et son traitement pourraient choquer, impressionner l'un ou l'autre des lecteurs, mais ils s'intègrent parfaitement dans cette trame noire de qualité.
On en parle : 813 n°109
Nominations :
Prix des Lecteurs Quais du Polar 2011
Citation
Menace-moi avec ton flingue, force moi à te sucer. Je le ferai. Et puis tu me buteras après. Que t'ailles pas en cabane pour rien.