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Voyage au bout de la nuit de la petite truanderie
Abraham est un petit dealer qui vit au jour le jour, vivant encore chez son père veuf. Son meilleur ami est Goran, avec qui il fait les quatre cents coups et survit entre la banlieue où ils résident et Paris où se trouvent leurs clients. Mais à force de vivoter, on a des envies de "grandeurs" et un soir, alors qu'ils boivent un coup dans un bar, ils découvrent que l'arrière-salle sert de salle de jeux clandestins pour gros joueurs pas forcément honnêtes. Ils décident de braquer la recette. Mais on ne défie pas la truanderie sans risque...
Il y a plus d'un demi-siècle, André Héléna avait écrit des volumes qui s'inscrivait dans une série dont le titre général était "Les Compagnons de la poisse". Cette série décrivait l'univers des demi-sels, des petits truands qui essayaient de vivre et de se faire une place au soleil. Mais ces petits artisans du capitalisme sauvage, venus du sud de la France, devaient lutter entre leurs passions amoureuses, les destins contraires, des caïds qui tenaient le haut du pavé et des policiers peu sympathiques.
Aujourd'hui, la valetaille du crime vient plutôt des banlieues et des lumpenprolétaires de la descendance des travailleurs immigrés (ici représentés par un père avachi devant sa télé et fatigué de tout). Les rêves n'ont pas beaucoup changé : se faire de l'argent facile afin de s'offrir un ailleurs meilleur. Mais les rêves sont plombés par les mêmes problèmes : la facilité du crime entraine une certaine nonchalance et une plongée dans les plaisirs artificiels. Les rêves restent des illusions : faire un casse pour lancer son commerce de drogue c'est rester dans le monde capitaliste qui fait que l'ascenseur social sera long et frustrant. Les rêves d'Abraham sont des petits rêves qui se trouvent vite noyés dans le quotidien.
Les descriptions de la ville la nuit, des petits milieux interlopes, de la montée d'un petit commerce en s'appuyant sur des revendeurs est décrite avec efficacité. L'amitié entre les deux truands, la descente dans les "enfers", sont évoqués en quelques pages sur un récit à la première personne qui a su trouver la bonne distance pour raconter son histoire poisseuse dans la longue tradition du polar tragique goodisien ou de la veine française des petits gangsters englués dans le quotidien.
On en parle : L'Indic n°8
Nominations :
Prix du polar lycéen d'Aubusson 2013
Citation
La plus grande somme d'argent n'ayant jamais transitée entre mes mains, je l'ai gagnée en pointant une arme sur quelqu'un.