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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Nicolas Richard
Paris : Le Masque, février 2011
258 p. ; 21 x 13 cm
ISBN 978-2-7024-3457-4
Miser sur le mauvais cheval
Avec un style très suranné qui n'est pas sans rappeler celui des vieilles dames du crime tendance Mildred David, Megan Abbott trompe bien son monde. On aurait tendance à l'imaginer racontant ses histoires dans un rocking-chair au coin d'un feu forcément anglais pendant que l'eau de la bouilloire d'une future tisane commence à crépiter. Au même moment on entend un long sifflement. Mais derrière sa frimousse et son air mutin, elle nous délivre, avec Adieu Gloria, un roman noir et psychologique efficace.
Gloria Denton est une femme splendide, qui a ses soixante ans bien tassés mais qui peut en paraître quarante pour peu qu'elle ne se mette pas sous les rayons sans concession du soleil. Dans le monde machiste de la pègre, elle a su faire son chemin, recueillant respect, inspirant crainte. Gloria Denton récolte les mises des paris dans les casinos et les hippodromes, elle les redistribue aux grands patrons non sans influer au préalable sur le hasard de ces jeux qui n'en sont pas. Mais Gloria Denton un jour s'entiche d'une jeune Américaine, qu'elle surnomme sa pouliche, et qui est destinée à prendre sa succession. Elle lui apprend le B-A-BA du métier, les petites et les grosses ficelles. Tout se déroule comme prévu jusqu'à l'arrivée de Vic, un pauvre joueur invétéré, arnaqueur à la petite semaine, dont la pouliche tombe amoureuse. C'est à ce moment que la belle mécanique huilée va se casser. Et le roman de décrire cette lente descente : le jeu et l'amour qui prennent le dessus sur la raison, les petites magouilles, la grosse qui s'accompagne de coups pour mieux bluffer un adversaire qui ne rigole pas, et puis la mort, dans toute sa violence et dans ce qu'elle a de plus pitoyable. Gloria, princesse déchue, acquière une victoire mais à quel prix et pour combien de temps ?
Megan Abbott campe plutôt des caractères derrière des personnages dans un roman qui se lit d'une courte traite de façon très plaisante. On peut lui reprocher un côté archétypal figé. Associé au fait que lorsque l'on dit "jeu de hasard" on pense invariablement Le Joueur, court roman de Dostoïevski, qui raconte plus finement et décortiquée l'angoissante descente aux enfers d'un homme qui ne s'en rend même pas compte, Adieu Gloria pourrait paraître bien fade, mais un final défaitiste et fatidique transfigure rétrospectivement une intrigue qui du coup prend du relief.
On en parle : Alibi n°2 |L'Indic n°9 |La Tête en noir n°150
Citation
Elle avait toujours ses gants quand elle faisait ça, non pas pour cacher ses mains usées, elle ne se cachait pas devant moi, mais parce qu'elle savait où les tickets de pari avaient trainé, dans de sordides magasins de bonbons, dans les kiosques à journaux de prêteurs sur gages, dans des arrières-cuisines, des bowlings, dans ces mêmes entrepôts décatis où les combats étaient organisés.