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Inédit
Tout public
Traduit de l'espagnol (Chili) par Bertille Hausberg
Paris : Métailié, mars 2011
278 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-86424-768-5
Coll. "Noir - Bibliothèque hispano-américaine"
Simenon et Allende
On dit que les chats ont sept vies. Simenon, celui de Heredia, le héros des romans du Chilien Ramón Díaz-Eterovic sûrement. Mais les hommes qui traversent ses récits n'en ont qu'une, de vie. Dans le Chili qui se remet des douleurs de la dictature de Pinochet, ceux qui sont passés entre les mains de militaires tortionnaires dans la Villa Grimaldi ont surtout conscience, même s'ils s'en sont sorti vivants, que leur vie est à jamais foutue car "les horreurs du passé étaient une monnaie dévaluée". Certains des rescapés fuient la réalité, d'autres veulent que la justice soit faite. Et "s'il n'y a pas de justice, il y a dénonciation publique".
C'est dans ce contexte que survient la mort de German Reyes, abattu dans la rue par deux hommes armés alors qu'il sortait de son travail. Si la police y voit un acte banal de délinquance urbaine qu'elle s'empresse de classer, la sœur de la victime n'y croit pas une seule seconde, et contacte Heredia, détective fin lettré qui traine un certain spleen, et qui ne doit sa survie qu'aux passages épisodiques de Griseta, sa maîtresse dont il est éperdument amoureux, et à sa fréquentation des bars des quartiers pauvres de la ville. German Reyes, ancien sympathisant de Salvador Allende, aux premières heures de la dictature, a été embarqué et torturé par des hommes suffisamment courageux pour s'affubler de surnoms et de pseudonymes. Libéré, il n'a eu de cesse de collecter des articles de presse, de remonter des pistes, de témoigner dans le rapport de la Commission nationale "Prison politique et torture" et de s'engager dans le militantisme et la dénonciation de ces bourreaux oubliés qui ont su disparaitre tout en conservant d'énormes privilèges.
Ramón Díaz-Eterovic relate ces faits avec sa plume nostalgique et poétique. Il parsème son histoire de remarques sensées de Simenon, multiplie les portraits de gens ordinaires blessés par la vie, à jamais sur le qui-vive dans l'attente mais surtout pas l'espérance d'une nouvelle arrestation. Sans jamais sombrer dans un pathos vulgaire, à mesure qu'Heredia croit plonger dans son propre gouffre, Ramón Díaz-Eterovic fait resurgir l'humanité dans ce qu'elle a de meilleur. Et c'est ainsi qu'on referme ce livre comme on abandonne à regret un rêve, qui ne cessera malgré tout de nous accompagner pendant une trop courte période.
Citation
Ta carte de visite était dans la poche de la victime. J'ai pensé la laisser à portée de mes hommes mais je me suis rappelé mes dettes envers toi et j'ai décidé de t'épargner un mauvais moment. Je t'estime malgré tes insolences.