La Face cachée des miroirs

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Roman - Espionnage

La Face cachée des miroirs

Économique MAJ jeudi 24 mars 2011

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 20 €

Catherine Fradier
Vauvert : Au diable vauvert, février 2011
572 p. ; 20 x 13 cm
ISBN 978-2-84626-242-2

Fradier continue de faire muter le roman d'espionnage "de papa"...

Nous avons souligné en ces pages l'importance du Cristal Défense de Catherine Fradier pour un genre en pleine renaissance : le roman d'espionnage. Né de la Guerre froide, celui-ci était plus ou moins mort avec elle en tant que genre populaire, mais les enjeux du monde actuel lui redonnent une nouvelle pertinence. Pourtant, là où certains se contentent de reprendre le bon vieux manichéisme même pas dépoussiéré, Catherine Fradier va beaucoup, beaucoup plus loin. Dans le monde actuel, les "centrales d'énergie" chères à John Buchan ont bien changé. Les idéologies s'effacent devant le pognon, les microfilms d'armes secrètes sont plutôt de "l'intelligence économique" et les États démissionnaires se contentent de compter les coups pendant que les décisions se prennent au sein des multinationales. Un univers cynique où, pourtant, la variante actuelle des espions sauveurs du monde ressurgit comme un ultime sursaut, celui des derniers humains résolus à ne pas se laisser mettre en esclavage. Mutation disons-nous et non tabula rasa, car Catherine Fradier reprend de l'espionnage à papa tout ce qui faisait son côté fascinatoire : l'impression d'être au cœur même des enjeux régissant la planète, avec un certain côté vertigineux qui fait que même si on ne comprend pas tout, on est content d'être là, et le travelogue dans un monde où les frontières n'ont guère de raison d'être. Et que serait James Bond sans son Blofeld ?
Ici, l'obligatoire méchant prend la forme du semencier Aristee, dont le plan est également la conquête du monde par un bais de monopole (que faire lorsque vos ressources alimentaires, plus que le pétrole, sont sous contrôle ?), et son dirigeant, un Gerbod à la fois omniprésent et curieusement évanescent, à l'image des puissances économiques sans visage qu'il représente, dont seuls quelques traits exposés à la fin — et plus personnels qu'idéologiques —, témoignent de la noirceur. Un mélange réconciliant anciens et modernes qui semble évident sur le papier... Mais encore fallait-il y penser ! Cet opus comporte certes moins de scènes d'action trépidantes que le premier, mais se concentre plus sur les enjeux avec un aspect romantique qui ne s'imposait peut-être pas. C'est par la disparition, réapparition et métamorphose des personnages, pourtant souvent limités à une fonction, que se justifie une filiation avec la série télévisée : dans le premier, les personnages (ou caractères, en langage de téléaste) se définissaient par leur seule fêlure. Là, on les humanise par des touches à la fois personnelles et extérieures (les rapports entre Léo et sa mère mourante). Car que serait une bonne série TV sans un peu de mélodrame, quitte à rendre l'effet un peu facile ? Cette scorie, plus une écriture parfois très légèrement relâchée (sans l'arrogance prétentieuse du "mal écrit" qui commence à pervertir les genres populaires) sont bien tout ce qu'on peut reprocher à l'ensemble. Il sera intéressant de voir si cette trilogie mutante au sens premier aura un effet sur le genre dans son ensemble et fera figure de précurseur, mais pour l'instant, on attendra avec impatience sa conclusion !

Citation

Léo reposa le journal, saisie par ce qui se profilait. Tapie dans l'ombre, la bête laissait voir son museau, inoffensif et attendrissant, annonçant les prémices d'une vaste opération de communication et de manipulation où chaque mot, chaque proposition serait pesé avant d'être lâché. Le grand cirque allait commencer

Rédacteur: Julien Védrenne jeudi 24 mars 2011
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